Quand il a fallu se parer du costume du présidentiable, François Hollande a considéré son humour, comme son boulet. Alors début 2011, au moment de se lancer dans une bataille présidentielle longue de plus d’un an, celui qu’on surnommait alors "Monsieur petites blagues" a tout fait pour tordre le coup à ce surnom. Pendant plusieurs semaines, il s'est refusé de laisser les mots d'esprit franchir ses lèvres, lui qui avait bâti une partie de sa carrière politique sur cette répartie.
Pourtant, cet humour, auquel il a d’ailleurs finalement cédé au cours de la campagne présidentielle, François Hollande l’a souvent utilisé comme une arme pour déminer des situations délicates, voire embarrassantes. Ce week-end encore, pour ses premiers sommets internationaux, quelques traits d’esprits se sont révélés fort utiles face à des interlocuteurs qui attendaient le nouveau président français au tournant.
Séduire l’interlocuteur
Vendredi, lors de leur premier contact, le président français et son homologue américain ont ainsi rivalisé d’esprit et de sourire. A l'Américain qui lui rappelait qu'il avait commis une étude en 1974 sur l'économie des fast-food, le Français l’a ainsi remercié de sa "grande connaissance" de sa vie personnelle. "Je ne veux rien dire qui puisse laisser penser que les cheeseburgers puissent avoir quelque défaut que ce soit", a ironisé François Hollande. Très en verve, le président français a lancé, en anglais, à l'intention de la presse américaine: "No declaration on French fries".
Le président français a aussi fait mine d'oublier le soutien apporté par Barack Obama à son rival malheureux Nicolas Sarkozy. "Je n'ai pour moi aucune mémoire de ce qu'a pu faire Barack Obama", a-t-il assuré. "Généralement, l'intervention de chefs d'Etat ou de gouvernement étrangers dans une campagne apporte peu de confort et de réconfort à celui qui en est le bénéficiaire", a conclu François Hollande. L'expérience l'a prouvé, il valait mieux n'être soutenu par personne", a-t-il conclu, tout sourire.
Séduire l’auditoire
L’humour, François Hollande sait aussi le recevoir. En 1981, alors qu’il affrontait l’intouchable Jacques Chirac en Corrèze, il avait essuyé une saillie de son adversaire. "Le nom de mon adversaire socialiste ? Il est moins connu que le labrador de Mitterrand", avait lancé, grinçant, celui qui était le président du RPR. François Hollande ne s'était pas démonté, s’invitant dans une réunion publique du candidat de droite. Et quand celui-ci a demandé à qui il a affaire, le jeune socialiste lui a rétorqué, sourire en coin : "Je suis François Hollande, celui que vous comparez au labrador de Mitterrand." Cet acte de bravoure sera fondateur pour son implication en Corrèze.
Plus récemment, en août 2011, pendant l’Université d’été du PS, alors que les candidats à la primaire socialiste jouaient déjà gros, François Hollande marquait de précieux points, face à des militants socialistes pas forcément acquis, en brocardant les riches. Le thème : les grosses fortunes qui "implorent" d’être plus taxées. "Nicolas Sarkozy tient bon, il n’a pas cédé", a lancé François Hollande avant de conclure : "Mais qu’ils nous attendent, nous arrivons".
Séduire les électeurs
Evidemment, en meeting, l’humour de François Hollande fonctionne à plein. En mars 2011, en plein cœur d’une élection cantonale boudée par la droite, qui craint un échec retentissant et se plaît à minimiser a priori l’importance du scrutin, le futur président joue un véritable sketch qui, pour ceux qu’il a fait rire, restera culte. Pendant près de quatre minutes, il raconte son tour de France et l’impossibilité de trouver un candidat revendiquée à droite. Succès garanti auprès du public, certes acquis d’avance, mais composé d’autant d’électeurs potentiels pour les primaires socialistes à venir.
Plus récemment, alors que la campagne présidentielle battait son plein, François Hollande décidait, après plusieurs semaines bien sobre en la matière, d’en appeler à nouveau à l’humour. "J'étais dans une recherche de présidentialité. Je faisais attention à l'humour et aux digressions, à ne pas en faire trop. Je me retenais. Là, je n'ai pas à me retenir. On est dans une phase conclusive. Ce qui compte, c'est vraiment l'adhésion", expliquait-il au Monde à un mois du premier tour.
Illustration avec le meeting de Mont-de-Marsan, le 30 mars 2012. Face à la peur de la gauche brandie par la droite, François Hollande ironise. "Ils nous disent si la gauche revient elle va vider les caisses ? C'est fait. Augmenter la dette ? C'est fait. Augmenter les impôts ? C'est fait, 30 taxes ont été créées depuis 2007. Mettre en cause la compétitivité de l'économie française ? C'est fait : le déficit commercial est de 70 milliards. Mettre en cause la sécurité des Français ? Mais c'est fait aussi, hélas", a-t-il énuméré.
(A partir de 27’)
Meeting de F. Hollande à Mont-de-Marsanpar francoishollande
Détendre l’atmosphère
Parfois, un bon mot suffit pour faire tomber la tension. En 2005, en pleine campagne pour ou contre le référendum sur le projet de constitution européenne, le Parti socialiste est divisé. Le mouvement, déchiré, tient une réunion tendue à la Maison de l’Amérique Latine. C’est alors que les plombs sautent, et le salle est plongée dans le noir. "Bon, quand est-ce qu’on apporte le gâteau!", ose alors François Hollande, déclenchant les rires, même chez ses adversaires "nonistes".
L’humour sert aussi à François Hollande à déminer une situation gênante pour ce grand pudique des sentiments. En 2004, il tient avec sa compagne de l’époque Ségolène Royal une réunion à Limoges, dans le cadre de la campagne pour les élections régionales. "Je suis heureuse de joindre l’utile à l’agréable", sourit Ségolène Royal au sujet de son compagnon. "C’est moi l’utile", rectifie-t-il dans la foulée.
Faire un bon mot
Parfois, l’impression que François Hollande ne peut pas s’empêcher d’user d’un bon mot est criante. Le 8 mai dernier, alors que les deux présidents, le sortant et l’élu, participent aux cérémonies sous l’Arc de Triomphe et saluent les représentants des corps constitués, le nouveau chef de l’Etat cède à l’humour. "Nous avons un enfant…", débute Nicolas Sarkozy à l’adresse de François Hollande en montrant Jean-Pierre Bel, le président du Sénat. "Ensemble ?", l’interrompt dans un trait d’humour le futur chef de l’Etat. L'échange a été capté par Public Sénat.