L’élection de François Hollande marque-t-elle le retour d’un vote de classe ? Plusieurs sondages publiés à la suite des résultats de la présidentielle détaillent la sociologie des électorats des deux candidats finalistes. Selon la dernière étude en date réalisée par Viavoice pour Libération, le vote peut être analysé en fonction de l’origine sociale et de la génération des électeurs. "Au second tour, la dimension socio-économique est toujours plus importante", analyse Bruno Cautrès, chercheur CNRS au Cevipof, interrogé par Libération.
Le retour de la gauche dans les couches populaires
Principal fait marquant de ces études : la gauche redevient majoritaire dans les couches populaires. 68% des ouvriers ont en effet préféré le candidat socialiste au président sortant. Du côté des employés, ils ont été 58% à voter pour François Hollande contre 42% pour Nicolas Sarkozy. Constat similaire auprès des professions intermédiaires, même si la tendance est moins marquée, 52% d’entre eux ont préféré le président du conseil général de Corrèze.
"Outre les ouvriers et les employés, on retrouve dans le vote Hollande une forte présence de profession intermédiaire, une composante forte de l’électorat PS depuis des décennies", abonde Bruno Cautrès.
L’enjeu des classes moyennes pour le PS
Mais l’élection de François Hollande n’est pas seulement liée à sa capacité à rassembler les classes populaires. La victoire du candidat socialiste tient également à son succès auprès des classes moyennes.
"La coalition gagnante pour le candidat du PS ne pouvait être que celle des classes moyennes, en particulier du public, des couches intermédiaire éduquées, porteuse d’un changement culturel ainsi que des outsiders, ceux qui n’ont pas de statut social bien établit", résume Bruno Cautrès, enseignant à Sciences Po.
Un vote contre le "président des riches"
Le candidat socialiste a également bénéficié du vote sanction contre Nicolas Sarkozy. Son succès auprès des couches populaires s’explique notamment par le fait que l’ancien chef de l’État incarne le "président des riches". A la question : "Pour quelles raisons avez-vous voulu que Nicolas Sarkozy ne soit pas réélu ?", 44% des sondés répondent parce qu’ "il est le président des riches". "C’est l’échec de la tentative de Nicolas Sarkozy de fédérer les Français les plus modestes contre les élites", souligne François Miquet-Marty, directeur associé de Viavoice.
La gauche renoue donc avec une majorité des salariés modestes. C’est ce que confirme un sondage Ipsos Logica Business Consulting pour Le Monde, France Télévisions, Radio France et Le Point publié mardi. Selon l’étude, 59% des électeurs les moins riches, c’est-à-dire gagnant moins de 1.200 euros, ont voté pour François Hollande. Quand les revenus atteignent plus de 3.000 euros, ils sont 56% à préférer Nicolas Sarkozy.
Sarkozy majoritaire chez ceux qui gagnent plus de 3.500 €
En résumé, Hollande voit sa courbe baisser à mesure qu'augmentent les revenus des électeurs. "Il y eu une corrélation très forte entre le niveau de revenu et le vote : Sarkozy n’est largement majoritaire que chez ceux gagnant plus de 3.500 euros", abonde Bruno Cautrès.
Nicolas Sarkozy séduit en effet un électorat financièrement plus aisé. L’électorat de Nicolas Sarkozy est âgé, économiquement aisé (franges les plus élevées des cadres supérieurs, professions libérales), de statut professionnel indépendant (agriculteurs, commerçants, artisans et chefs d'entreprise)", précise Bruno Cautrès au Figaro.
François Hollande, le candidat des villes
L'analyse sociologique du vote montre que François Hollande est en tête dans toutes les tranches d'âge, à l'exception des 60 ans et plus. 60% des plus de 65 ans ont voté pour Nicolas Sarkozy alors que 60% des moins de 25 ans ont préféré François Hollande. "Ce clivage générationnel oppose d’une certaine manière les intérêts de la production à ceux de la rente. Il ne s’agit pas simplement d’une coupure entre les jeunes, qui auraient adhéré à Hollande grâce à son discours sur la jeune se et l’éducation, et les plus vieux qui auraient opté pour Sarkozy par peur d’avoir à supporter fiscalement son programme. Il y a une question de génération", insiste Bruno Cautrès interviewé par Libération.
Enfin, François Hollande séduit davantage que Nicolas Sarkozy dans les métropoles. Il est arrivé en tête des suffrages dans six des sept plus grandes villes de France. Sur les 20 plus grandes villes, le socialiste remporte le combat dans 17 d'entre elles, tandis que le candidat de l'UMP s'impose seulement à Nice, Toulon et Aix-en-Provence, indique FTVi.
François Hollande obtient 57 % des voix dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, 54 % dans les villes de 20 000 à 100 000 habitants, 51 % dans les agglomérations de moins de 20 000 habitants et seulement 48 % en milieu rural.