L'Union pour la Méditerranée, cet infatigable serpent de mer. Dernier épisode en date : le discours prononcé jeudi par François Hollande à l'Institut du monde arabe (IMA), qui n'était pas prévu dans son agenda, mais qui a été décidé après les attentats de Paris. Au-delà de son message adressé aux musulmans de France, le chef de l'Etat a appelé à un renforcement des liens entre pays méditerranéens.
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"La France proposera à ses partenaires européens de nouvelles orientations pour la coopération entre les deux rives de la Méditerranée", a assuré François Hollande. Souhaitant transformer cette "mer du malheur" en "mer de la prospérité", il a notamment appelé à "utiliser davantage les institutions qui existent", telles que "l'Union pour la Méditerranée" (UPM). Son souhait est de "créer cet espace de sécurité, de développement et de solidarité autour de la Méditerranée".
Une institution créée en 2008. Ce n'est pas la première fois que François Hollande tente de ressusciter cette organisation créée en 2008 à l'initiative de Nicolas Sarkozy. Au début de son quinquennat, en octobre 2012, le président plaidait pour une relance du dialogue entre les deux rives de la Méditerranée après les printemps arabes, en participant à un sommet euro-méditerranéen à Malte. Un an plus tard, en septembre 2013, il réunissait à Paris les 43 pays membres de l'UPM et tentait de réveiller l'organisation autour du rôle des femmes dans la société. Sans grand succès.
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Il faut dire que François Hollande, en arrivant à l'Elysée, a hérité d'une organisation qui ressemblait déjà à une coquille vide. Alain Juppé, lorsqu'il était ministre des Affaires étrangères, avait bien lancé des appels à la "refondation" de l'UPM, rappelait Le Figaro en 2012. Mais jamais l'ambition initiale voulue par Nicolas Sarkozy, celle d'une "union économique, politique et culturelle", ne s'est concrétisée. Entre autres raisons, l'organisation avait notamment été affaiblie en interne par des divergences entre ses pays membres, notamment sur le conflit israélo-palestinien.
"Moribonde". "L'Union pour la Méditerranée est moribonde", explique à Europe 1 Khadija Mohsen-Finan, docteur en sciences politiques et spécialiste des relations euro-méditerranéennes. "Elle fonctionne uniquement sous la forme d'un dialogue entre élites et n'a aucun crédit auprès des populations du Sud". L'idée est pourtant bonne, assure la chercheuse. "Mais cet outil n'est plus adapté aux réalités". Khadija Mohsen-Finan estime que "l'un des travers de cette coopération a été de mettre uniquement l'accent sur l'économie et la sécurité, alors qu'il faudrait l'ouvrir à tous les sujets". Quant à lutter contre le terrorisme, l'UPM "en est totalement incapable", assure-t-elle.
Développer des projets communs. Pour Bernard Deflesselles, député UMP des Bouches-du-Rhônes, l'UPM doublonne des institutions qui existaient déjà avant 2008, comme l'Assemblée parlementaire de la Méditerranée, dont il est membre. Pourtant, la coopération euro-méditerranéenne est un enjeu crucial, assure le député. "Il faut développer des projets communs dans l'éducation, la formation, la culture", plaide l'élu, qui juge insuffisants les moyens financiers alloués à cette coopération. "La Méditerranée, c'est notre berceau. La lutte contre l'obscurantisme et pour le vivre-ensemble doit aussi s'inscrire dans ce cadre-là".
Autre outil de coopération, le "groupe 5 + 5", qui réunit cinq pays du sud de l'Union européenne (France, Espagne, Italie, Portugal, Malte) et cinq pays nord-africains (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie, Tunisie). Ce groupe sert de cadre à des sommets informels entre exécutifs nationaux. François Hollande a plaidé jeudi pour que cet "outil précieux" soit davantage utilisé. Mais les paroles seront-elles un jour suivies d'actes ?