La gauche est sonnée par le revers électoral du premier tour des municipales. Toute la gauche ? Non. Car si le PS reconnaît une "claque", ses "alliés" se montrent plutôt satisfaits des résultats de dimanche. À eux trois, Parti de gauche, écologistes et communistes n'ont certes fédéré que 940.000 électeurs, pour 770 listes. Un score loin de celui de leur principal ennemi commun, le FN, qui a réuni un peu plus d'un million de votants pour 580 listes. Mais dans beaucoup de villes, où ils ont lancé des listes indépendantes du PS, ils ont obtenu des scores encourageants. Et ils auront un rôle a joué au second tour.
# EELV RETROUVE DES COULEURS
Moins de deux ans après le score très décevant de 2,31% réalisé par Eva Joly à l'élection présidentielle, les écologistes semblent avoir relevé la tête. EELV avait décidé de présenter une liste autonome dans 155 communes. Et le score médian des candidats sur ces listes s'élève, selon nos calculs, à 10,2%. Dans plus de la moitié des villes (81 sur 155), la liste écolo a même obtenu plus de 10% et a donc pu se maintenir au second tour. "Partout où on est en autonomie, on a été bien reçus. Pour nous, c'est extrêmement important", a ainsi trompeté la patronne d'EELV, Emmanuelle Cosse, dimanche soir.
Les fameux 10% sont par exemple dépassés dans trois arrondissements lyonnais, à Lille (11,08%), Valence (11,13%), Nantes (14%), Caen (10,23%) ou encore Rouen (11,09%). Et à Paris, Christophe Najdowski se classe 3e, avec un score honorable de 9%. Mieux : le maire sortant du 2e arrondissement, Jacques Boutault, est arrivé en tête, avec 32,96%. Des résultats qui leur permettent de négocier des accords plutôt juteux avec le PS, comme à Paris, où ils obtiendront 18 conseillers en cas de victoire.
Dans 34 communes (Mediapart en dresse ici la liste), un écologiste a même été élu dès le premier tour, dont neuf sans alliance avec le PS, selon nos calculs. Seule réelle déception : Montreuil. Il s'agissait de la seule ville de plus de 100.000 habitants détenue par EELV. Mais la maire sortant, Dominique Voynet, ne se représente pas. Et son successeur Ibrahim Dufriche n'est arrivé que quatrième, avec 15%.
# LE FRONT DE GAUCHE TOUJOURS VIVANT
Le Front de gauche (PCF + Parti de gauche, notamment) semblait sur le point d'éclater. Après avoir perdu neuf députés aux législatives de 2012, les ténors rouges regardaient les municipales avec appréhension. Appréhension qui a d'ailleurs poussé les communistes à s'allier avec le PS dans la moitié des villes de plus de 20.000 habitants. Pourtant, le Front de gauche a tout de même réussi à présenter 396 listes indépendantes du PS, sans compter les 162 communes où les communistes sont partis seuls, et les 61 où le Parti de gauche a fait campagne sans ses alliés.
Et le score médian de ces listes, au premier tour des municipales, est sorti meilleur que celui de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle, environ 11,7% contre 11,1%. En outre, 352 de ces listes se sont qualifiées pour le second tour, soit davantage que le FN et ses 330 listes sur 595 (dans de plus grosses villes cependant). Clermont Ferrand (11,5%), Limoges (14%), ou encore Avignon (12,46%) peuvent ainsi être citées en exemple par les "frontistes" de gauche. Et 76 listes ont même vu un maire "gauche radicale" désigné dès le premier tour.
Mais tout n'est pas rose non plus chez les rouges. Car les membres du Front de gauche, notamment les communistes, ont des villes à perdre au second tour. Troisième force du pays en termes d'élus municipaux, le Front de gauche dirige 50 villes de plus de 10.000 habitants. Et plusieurs bastions sont aujourd'hui menacés. À Saint-Denis, au Blanc-Mesnil ou à Vénissieux par exemple, le maire sortant communiste est au coude à coude avec le PS et/ou l'UMP.
# EELV et FG, LA "TROISIÈME GAUCHE" ?
À l'avenir, le salut pour ces forces viendra peut-être… de l'alliance avec les écologistes, sans le PS. Dans certaines villes, écologistes et Front de gauche ont ainsi fait front commun, sans le parti présidentiel. Et cela semble avoir globalement payé. "La troisième gauche est née. Nos 82 listes avec EELV recueillent en moyenne 15,32 % de suffrages", tambourine d'ailleurs Jean-Luc Mélenchon sur son blog. Un pourcentage difficile à vérifier au niveau national, mais qui s'avère exact dans plusieurs villes.
La stratégie s'est notamment révélée payante à Grenoble, où la liste menée par Eric Piolle (EELV) devance (29,41%) celle conduite par le PS Jérôme Safar (25,31%). A Rennes, la liste a également récolté 15,09%, ce qui l'a mise en position de force pour négocier un accord avec le PS (35,57%). Et à Poitiers, où les vert et rouge sont arrivés troisième avec 15,29%, la liste reste au second tour et défiera le PS et l'UMP dimanche. À Dieppe, en Seine-Maritime, (32 000 habitants), l'alliance a même récolté 45% des voix, et devance la droite (24,80%) et les socialistes (18,86%). Et à Chevilly-Larue (18 500 habitants, Val-de-Marne), la "troisième gauche" a écrasé la liste socialiste, deuxième avec 25%.
Mais cette dynamique se poursuivra-t-elle après les municipales ? Pour les élections européennes, les divergences sur l’Europe semblent encore trop fortes. "Mais nous regardons ensemble les élections régionales", indique Elise Lowy, membre de la direction d’EELV, cité par le site Bastamag, reconnaissant que les divergences entre les trois formations sont toujours là : "sur des sujets fondateurs de ce qui incarne un autre modèle, comme la transition énergétique et la sortie du nucléaire, le PCF reste un obstacle, même s’il évolue".
ENJEUX - Le PCF a des villes à perdre
STRATEGIE - Dimanche, le PS veut éviter une nouvelle claque
CARTE DE FRANCE - Ces villes où le Front National est en tête
INFOGRAPHIE - Ce qu'il faut retenir du premier tour