"Je peux vous prendre en photo ?" "Un autographe stp Marine !" "Je peux vous embrasser ?" Marine Le Pen a le sourire. L’accueil est très chaleureux. Pendant cette journée au Salon de l’agriculture, la patronne du FN est partie à la rencontre d’un électorat qui lui était traditionnellement peu favorable. Mais qui lui fait désormais des yeux de biche. "Dans la ruralité, on est attendu, écouté. On le sent sur le terrain, de plus en plus, et ça va se confirmer ici ", assure à Europe1.fr Louis Aliot, vice-président du FN, venu spécialement de Perpignan pour soutenir sa compagne. La première pause photo de la journée sera pour une belle Montbéliarde, que Marine Le Pen ne ne touche pas. Il faut bien s’échauffer un peu, il est tôt, et n’est pas Chirac qui veut.
>> Europe1.fr a décidé de se mettre dans les pas de Marine Le Pen, quelques mètres derrière elle pour être plus précis, et de discuter avec les agriculteurs croisés par la patronne du FN. Alors, séduits ou pas ?
Denis, 47 ans, élève des Bleues du Nord dans le Pas-de-Calais. Dans son troupeau, c’est "Flamenco" qui a le privilège d’être caressé par Marine Le Pen. Une caresse appréciée par l’éleveur, tout sourire après le passage de la patronne du FN : "c’est l’une des seules qui défend le monde agricole. On est dans une période de grande galère et on compte sur elle. Elle tient la route et contrairement aux autres partis, elle nous écoute plutôt que de nous faire des promesses." De là à dire qu’il glissera un bulletin FN aux prochaines municipales, il y a un pas, qu’il refuse de franchir.
"En 2017, peut-être que je voterai pour elle, oui…"
Au stand des vaches limousines, un autre éleveur sous le charme - "qu’elle est belle !" - confie que "dans les campagnes, ça évolue bien pour elle." Mais refuse catégoriquement d’en dire plus. Son voisin des Charolaises est à peine plus bavard. On ne parle pas aussi facilement du vote FN, Salon de l'Agriculture ou pas. Maurice, 62 ans, reconnaît tout de même qu’ "elle a ses chances oui. Personne n’ose le dire, mais les gens l’aiment de plus en plus…" Vote-t-il Front national ? "Non". Et demain ? "On veut qu’elle fasse bouger les choses. Donc en 2017, peut-être que je voterai pour elle, oui…"
2017, Marine Le Pen en rêve. Elle en a déjà eu un petit aperçu... Gervais est venu d’une petite commune proche de Bordeaux pour exposer fièrement ses Bazadaises. L’une d’entre elle attire davantage l’attention de la patronne du FN, et pour cause. Son nom : "Elysée", ça ne s’invente pas… Marine Le Pen se rapproche de la vache, un peu plus encore. "Il n’y a plus qu’un mètre qui me sépare de l’Elysée", blague-t-elle devant son équipe, forcément hilare. Gervais, lui, reste stoïque, mais glisse tout de même que "dans les campagnes, l’extrême-droite arrive."
"Il ne faut pas ignorer l’Europe !"
Marine Le Pen poursuit son parcours et découvre les Parthenaises. Juste à côté d’eux, "Fainéant", le taureau, se soulage sans complexe. Patrice, l’éleveur, zen, rigole. Mais son discours, lui, est empreint de gravité. La crise l’a frappé de plein fouet, lui comme d’autres éleveurs des Pays de la Loire. "J’ai dit à Le Pen que j’étais un peu le dernier des Mohicans. On souffre. Marine cherche à échanger avec les gens de terrain, et c’est déjà un bon point de départ." Un bon point, pas un blanc seing : "il ne faut pas ignorer l’Europe !", lui recommande-t-il, alors que la présidente du FN prône la suppression de la PAC, qui maintient nombre d'agriculteurs français en vie.
Le temps passe et la foule se masse. Des fillettes pleurent au passage de "Marine !!!!". Une blondinette aura même droit à un câlin.
Marion Maréchal-Le Pen, elle aussi de la partie, s’impatiente : "quand est-ce que l’on arrive aux trucs où on va pouvoir manger ?" On y arrive. Une coopérative montbéliarde de fromage fait des yeux doux à la caravane frontiste. Marine Le Pen apprécie : "c’est vraiment délicieux !", confie-t-elle à Europe1.fr entre deux bouchées. La tête de liste du FN à Paris, Wallerand de Saint-Just, perdu au milieu de la mêlée, se fait passer un bout de fromage : "vachement bon", tranche l’avocat, la moustache frétillante.
"Quelle classe ! Quelle beauté ! Quelle élégance !"
Ce concert de compliments, Loïc s’en délecte. Il n’est pas peu fier de voir les cadres frontistes se taper la cloche sur son stand. "Elle a adoré mon Comté fruité", se félicite-t-il. "C’était un moment super sympa ", renchérit son apprenti. "Je connais beaucoup de jeunes agriculteurs qui sont prêts à voter pour elle", lâche Loïc, sourire vissé aux lèvres. Son apprenti hoche la tête en signe d’approbation. Et lui ? "Oui, il y a des chances que je vote FN", admet-il. mais pour les arguments de campagne qui ont retenu son attention, on repassera.
Avant une pause déjeuner bien méritée, Marine Le Pen achève sa tournée des bovins. Et croise alors Jean-Louis, 48 ans, sans conteste le plus enflammé des agriculteurs rencontrés. "Sacrée femme ! Quelle classe ! Quelle beauté ! Quelle élégance !" Passé ces considérations purement physiques, l’éleveur confie aussi "apprécier ses idées. Elle veut que l’on consomme français, et elle a tout à fait raison." Jean-Louis vote "depuis très longtemps" pour le FN, et il se sent de moins en moins seul parmi ses confrères. "Les gens se lâchent maintenant ! Si on organisait une élection au Salon de l’agriculture, je suis persuadé qu’elle ferait au moins 40% des voix !"
"Son passage ne va rien changer"
Le monde agricole serait donc tombé éperdument amoureux de "Mariiiineeee" ? L’unanimité interpelle. Mais l’entourage de la patronne du FN assure que le circuit - qui de fait n'a esquivé aucun stand du pavillon bovin - n’a pas été préparé en amont. "Elle est très appréciée, tout simplement", assure Wallerand de Saint-Just. Pour trouver une voix dissonante, il faut revenir quelques heures en arrière. Karine, 20 ans, éleveuse de Pies rouges, est la première à avoir eu droit à un petit mot de la présidente du FN.
"Son passage ne va rien changer. Que ce soit elle ou une autre, les politiques ne font pas grand-chose pour nous…" A moins que Marine Le Pen ne soit pas une politique comme les autres ? "C’est comme le Christ, quand on l’a touchée, on est sauvé !", s’amuse un homme âgé après lui avoir serré la main. Karine tourne la tête, puis s’éloigne.
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