"Préhistorique", "fausse bonne idée"… Jean-Louis Borloo ne fait clairement pas partie des fervents partisans de la future Banque publique d’investissement. Et il l’a fait savoir mardi soir sur Public Sénat.
(A partir de 10’30’’)
Cette structure, dont la création a été actée mercredi en Conseil des ministres, est censée aider au développement des PME. Mais pour le président de l’UDI, les risques de dérive de l’organisme, qui sera présidé par Jean-Pierre Jouyet, sont légion. Europe1.fr décrypte avec Alexia de Monterno, directrice adjointe de l'Institut Montaigne.
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DES CONFLITS D’INTERÊTS ?
Ce qui dit Borloo. "La BPI, c'est préhistorique. Cela fait partie des fausses bonnes idées. On prend deux trucs qui n'existent pas - l'un qui finance l'actionnariat et l'autre les entreprises - et on va les mélanger", a résumé l'ancien ministre. "Génial! C’est un conflit d'intérêts total, avec prise d'otage complète parce que vous êtes actionnaire mais vous êtes aussi prêteur, alors ça va pas."
En clair. Jean-Louis Borloo fait ici référence à deux structures qui seront intégrées à la BPI. L’une, Oséo, aide les entreprises en leur prêtant de l’argent quand l’autre, le Fonds stratégique d’investissement, entre dans leur capital. La même entité, la BPI, sera donc en mesure d’entrer au capital d’une société et de lui octroyer des aides publiques. D’où le risque de conflit d’intérêts.
L’avis de l’experte. "Tout dépendra de la gouvernance interne ! Sur le papier, rassembler les structures et les doter de moyens accrus est plutôt une bonne chose. Cela dit, même si j’estime que le risque de conflit d’intérêts est faible, il faudra veiller à séparer les métiers efficacement : aux uns d’investir, aux autres de gérer, mais les compétences sont là, je ne m’inquiète pas."
DU CHANTAGE POLITIQUE ?
Ce qui dit Borloo. "En plus, il y a aura du chantage politique... c'est une erreur", prévient l’ex-ministre de l’Ecologie.
En clair. La Banque publique d’investissement sera largement associée aux régions, plus proches des acteurs économiques locaux. "Dans la pratique, 90 % des décisions de la BPI seront prises en région", confirmait Pierre Moscovici, ministre de l’Economie, à la fin du mois de septembre. Jean-Louis Borloo craint donc que les décisions d’accorder des prêts soient prises en fonction de critères politiques.
L’avis de l’experte. "Le vrai sujet est là. Quand il s’agira de prêter ou d’entrer au capital d’une entreprise en difficulté, il faudra éviter toute interférence politique. La BPI doit être une banque "professionnelle". Je comprends la crainte exprimée. Il y a un risque véritable de voir une PME sauvée parce qu’elle est dans un canton crucial en vue d’une prochaine élection… Le conseil d’administration devra être très attentif à cela."
UN NOUVEAU CREDIT LYONNAIS?
Ce qu’a dit Borloo. "Ça va être un nouveau Crédit Lyonnais".
En clair. Le Crédit Lyonnais a été une banque publique jusqu’à la naissance des années 2000. En 1993, une affaire éclate quand l’établissement se retrouve en quasi-faillite. Les placements massifs dans des entreprises risquées, telle que la Metro Goldwyn Mayer, ou dans des opérations immobilières hasardeuses entraînent une perte de 130 milliards de francs, soit près de 20 milliards d’euros publics perdus. Le souvenir de l’un des pires scandales financiers de l’historie de France reste cuisant pour beaucoup. Dont semble faire partie Jean-Louis Borloo.
L’avis de l’experte. "Pour éviter une situation similaire à celle vécue par le Crédit Lyonnais, la BPI devra agir au côté des banques commerciales, et ne pas se trouver en concurrence frontale avec elles. Son rôle sera de faciliter le crédit, d’en abaisser éventuellement les taux d’intérêts, mais tout cela devra se faire en concertation, sinon il y a un risque, c’est certain. La BPI doit n’être qu’une garantie, rien de plus."