L’INFO. Le 22 mars 2013, Henri Guaino avait accusé le juge Gentil d'avoir "déshonoré la justice" en mettant en examen Nicolas Sarkozy dans l’affaire Bettencourt. Pour cela, il a été renvoyé en correctionnelle pour "outrage à magistrat". Mais le député des Yvelines entend bien éviter la tenue d’un procès. Dans une proposition de résolution déposée le 16 mai, Henri Guaino demande donc à ses collègues d'user de l'article 26 de la Constitution qui prévoit la suspension, pour la durée de la session, des poursuites engagées contre un parlementaire "si l'Assemblée dont il fait partie le requiert". Pour lui-même donc.
"Le délit d'opinion n'existe pas". En approuvant cette résolution, écrit l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, dans l'exposé des motifs, "l'Assemblée nationale rappellera que dans une société démocratique, le délit d'opinion n'existe pas, pour autant que l'expression de cette opinion ne porte pas gravement atteinte aux libertés d'autrui ou à l'ordre public". A l’époque, Henri Guaino avait reçu le soutien d'une centaine de parlementaires de l'UMP. "Comme lui, nous affirmons que le juge (...) a déshonoré la justice en mettant Nicolas Sarkozy en examen", écrivaient-ils. "Nous faisons nôtres tous (c)es propos" et "nous entendons assumer toutes les conséquences", avaient-ils expliqué.
Vers un débat à l’Assemblée en juin. La proposition "Guaino" d’Henri Guaino va désormais devoir suivre la voie classique. Aux termes du règlement de l'Assemblée, elle doit être examinée dans les trois semaines par la commission en charge de ce type de demande (présidée par le socialiste Thomas Fekl) puis être débattue dans la foulée en séance, après les questions au gouvernement. Le débat devrait donc avoir lieu en juin. Mais, même si elle est votée, la suspension des poursuites ne devrait être valable que jusqu'à la fin de la session ordinaire du Parlement, le 30 juin.
Des précédents. L’ancienne plume de Nicolas Sarkozy a tenu à rappeler que ce type de procédures avait déjà existé par le passé. "En 1963, la première a été déposée par André Bord pour le député Raymond Schmittlein poursuivi pour un délit de presse", détaille-t-il. "En 1980, la deuxième demande a été déposée par Gaston Defferre pour huit députés socialistes, dont Jean Auroux, Claude Evin, Laurent Fabius, François Mitterrand, poursuivis, pour six d'entre eux, pour avoir enfreint la loi en participant à des émissions sur des radios libres et, pour les deux autres, pour avoir participé à des manifestations ayant entravé la circulation des trains", poursuit-il. Enfin, "la même année, Robert Ballanger a demandé la suspension des poursuites engagées contre Maurice Nilès, député communiste, également pour sa participation à des émissions sur des radios libres".
"Guaino, il se débrouille !" Dans les couloirs de l’Assemblée nationale, les ténors UMP ont soigneusement évité les micros. Sauf Claude Goasguen, qui a accepté de répondre à Europe 1 et qui avait visiblement un message à faire passer à son collègue des Yvelines : "Guaino, il se débrouille ! D’abord on attend le résultat des européennes. Guaino a une conscience du Moi un peu excessive. Cela suffit car il donne l’impression, à lui tout seul, que l’UMP est divisée. Je lui souhaite que nous soyons devant le Front national aux européennes sinon ses oreilles vont siffler, je vous le dis…C’est difficile à gérer des oiseaux pareils !"
L'ancien conseiller spécial du président Sarkozy peut toutefois compter sur un soutien, celui de Daniel Fasquelle : "Henri Guaino a eu des propos peut-être un peu piquants, excessifs, mais cela fait aussi partie de la liberté d’expression. Il y a un partage des pouvoirs en France : le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Le législatif doit avoir la possibilité de critiquer, y compris le judiciaire. Henri Guaino est une voix forte dans ce pays, il ne faudrait surtout pas la bâillonner", a estimé à Europe 1 le député du Pas-de-Calais.
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