"Il est d’usage de construire les murs, puis, ensuite, de décorer l’intérieur. Depuis, quatre ans le gouvernement fait l’inverse : il décore les pièces avant de s’apercevoir qu’il n’a pas de maison". Joint mercredi par Europe1.fr, le président de l’Union syndicale des magistrats Christophe Régnard a du mal à cacher son dépit après la présentation du volet justice du projet UMP pour 2012.
Pour lui, ce programme dévoilé mardi soir "manque de vision", "manque de cohérence" et surtout remet en cause des lois que le gouvernement a, lui-même, fait voter ces dernières années.
Retour sur les lois Perben et Dati
Dans son projet, l’UMP souhaite par exemple supprimer "les réductions de peine automatiques et les aménagements automatiques pour les peines de moins de deux ans". Or en 2004, le gouvernement avait justement fait adopter la loi dite Perben 2, qui prévoit des réductions de peine automatique (trois mois d'incarcération en moins la première année de détention, deux mois par année suivante).
"Supprimer les aménagements automatiques des peines de moins de deux ans" reviendrait également à enterrer la loi pénitentiaire de Rachida Dati. Adopté en 2009, ce texte stipule, en effet, que les aménagements de peine concerneront les condamnés à des peines de moins de deux ans…
"A l’époque, l’USM (syndicat majoritaire dans la profession) avait dit que cette disposition était une mauvaise idée. On ne nous avait pas écoutés. Ce revirement montre que nous avions malheureusement raison", estime Christophe Régnard.
Pour l’opposition, ces propositions sont tout bonnement "consternantes et révélatrices de l'impasse dans laquelle aboutit le populisme pénal de Nicolas Sarkozy", a fait valoir André Vallini, chargé de la justice auprès du candidat PS à la présidentielle François Hollande. Dans un communiqué, il dénonce "cette incohérence totale sur les aménagements et les réductions de peine qu'il faudrait freiner après que les lois Perben en 2004 et Dati en 2009 les eurent encouragées".
De la démagogie pure
Une autre proposition de l’UMP fait débat. Le parti présidentiel souhaite que "la libération conditionnelle soit interdite tant que les deux tiers de la peine ne sont pas purgés". Or, "là encore, cette disposition va à l’encontre de plusieurs circulaires adressées par Rachida Dati et ses successeurs. C’est de la démagogie politique pure à visée électorale, puisque faire et défaire, c’est toujours communiquer", assène Christophe Régnard.
Au final, ces mesures sont "absurdes en termes de lutte contre la récidive", a renchéri Matthieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la Magistrature (gauche). "Non seulement ça ne réduire pas la récidive, mais ça risque de l'augmenter", estime-t-il. "C'est contre-productif".