"Le nom de Nicolas Sarkozy n’apparait dans aucun des éléments du dossier". En septembre 2011, alors que deux proches du président de la République venaient d’être mis en examen dans la cadre de l’affaire Karachi, l’Elysée s’était fendu d’un communiqué pour dédouaner son locataire. Quatre mois plus tard, cette ligne de défense semble voler en éclat. Selon Libération de lundi, un ex-haut fonctionnaire a en effet confirmé en décembre au juge qui enquête sur l'affaire que Nicolas Sarkozy, ministre du Budget en 1994, avait bien validé la création d'une société luxembourgeoise servant à payer des intermédiaires dans des contrats d'armement.
"Le ministère du Budget a nécessairement donné son accord"
Le quotidien journal s'appuie sur un procès-verbal d'audition datant du 2 décembre, devant le juge Renaud Van Ruymbeke, de Gérard-Philippe Menayas. Cet ancien haut fonctionnaire du ministère de la Défense et ex-directeur administratif et financier de la DCNI, branche internationale de la Direction des constructions navales (DCN) qui a vendu en 1994 au Pakistan les fameux sous-marins Agosta. Interrogé sur la création en 1994 au Luxembourg de la société offshore Heine, utilisée par la DCNI pour verser des commissions, l’homme est catégorique. "Il est clair que le ministère du Budget a nécessairement donné son accord. Vu l’importance du sujet, cette décision ne pouvait être prise qu’au niveau du cabinet du ministre", a-t-il affirmé. Faute de quoi, "je n’aurais jamais obtenu l’accord de la direction générale des impôts pour payer des commissions via Heine".
Ces déclarations viennent confirmer un rapport de la police luxembourgeoise de janvier 2010 selon lequel Nicolas Sarkozy, ministre du Budget de 1993 à 1995, avait donné son accord à la création de Heine. Un document chronologique, non daté ni signé, saisi par la police à la DCN, évoque les circonstances de la création de Heine, mentionnant l'aval de Nicolas Bazire, directeur du cabinet du Premier ministre de l'époque Edouard Balladur, et de Nicolas Sarkozy.
Commissions et rétrocommissions
Jusqu’en 2000, le versement de commissions dans le cadre de contrats d’armement était légal, et même courant. Mais dans le cadre du contrat Agosta, la justice cherche à déterminer si les commissions n’ont pas donné lieu à des rétrocommissions, qui auraient financé la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995. Et si l’arrêt du versement des mêmes commissions, décidé par Jacques Chirac lors de son arrivée à l’Elysée en 1995, n’a pas abouti le 8 mai 2002 à l’attentat de Karachi, où 15 personnes, dont 11 employés français de la DCN avaient péri, en guise de représailles.
En septembre dernier, l'Elysée avait affirmé que le chef de l'Etat n'avait "jamais exercé la moindre responsabilité dans le financement de cette campagne" Balladur. Nicolas Sarkozy est "totalement étranger" à cette affaire, "d'autant plus qu'à l'époque où il était ministre du Budget, il avait manifesté son hostilité à ce contrat comme cela apparaît dans les pièces de la procédure", avait précisé la présidence. Une défense qu’il va falloir adapter à la manière des dernières révélations.