Depuis le début de l’affaire Karachi, Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale, refuse de transmettre le compte-rendu des auditions de la mission parlementaire menée sur le sujet au printemps 2010. L’un des témoins les plus attendus était Edouard Balladur, Premier ministre au moment de la conclusion du contrat Agosta de vente de sous-marins au Pakistan. Le Journal du Dimanche s’est procuré la retranscription de ses propos.
L’ancien Premier ministre répond aux deux points les plus sensibles du dossier. D’abord sur le lien éventuel entre l’arrêt du versement des commissions liés du contrat Agosta - décidé en 1996 par Jacques Chirac - et l’attentat du 8 mai 2002 ayant causé la mort de 15 personnes dont 11 Français.
"Jamais informé de l’octroi de commissions"
Ce lien laisse Edouard Balladur "perplexe". "En 1996, si j'en crois ce qu'écrit la presse, la quasi-totalité de ces commissions aurait déjà été versée ce qui limitait le préjudice subi par leurs bénéficiaires ; de surcroît, on a du mal à s'expliquer qu'un motif de cet ordre puisse entraîner, six ans après, en 2002, et par mesure de rétorsion, l'assassinat de onze Français", a-t-il répondu. "Je rappelle que je n’ai jamais été informé de l’octroi de commissions, que je n’avais pas à l’être car ce n’étaient pas des sujets qui étaient traités à Matignon."
Il nie ensuite l’existence d’éventuelles rétro-commissions qui auraient permis de financer sa campagne présidentielle de 1995. Edouard Balladur se lance donc dans une explication de texte pour justifier la provenance de ses fonds en espèces. "J’avais le droit d’utiliser un financement en espèces à hauteur de 18 millions de francs", explique-t-il, en référence à la loi sur le financement des partis, qu’il avait lui-même fait voter en 1995 face à la recrudescence des affaires politico-financières.
"Ces espèces, d’où venaient-elles ?"
Et de poursuivre : "Les sommes déposées au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle ont représenté un total de 13 millions de francs à comparer aux 18 autorisés. La réalité, c’est que le financement par espèces n’a nullement été inventé par moi, qu’il est autorisé à concurrence de 20% du total des dépenses."
L’ancien Premier ministre pose ensuite lui-même la question qui fâche. "Ces espèces, d’où venaient-elles ? La vérité est claire et simple: les sommes déposées en espèces provenaient des collectes effectuées dans les centaines de réunions publiques et de la contribution personnelle de tous ceux qui soutenaient ma campagne." Et la présence nombreuse de billets de 500 francs s’expliquait parce que "les montants les plus modestes pouvaient avoir été échangés ou regroupés par ceux qui les rassemblaient." Point de rétro-commissions, donc, à l’en croire.