"Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille", disait Jacques Chirac. Une phrase qui semble cruellement résumer la situation de l'UMP, acculée sur tous les fronts. La dernière bombe en date, le prêt de 3 millions d'euros secrètement accordé à l'UMP par son groupe à l'Assemblée nationale, en 2012, ne fait que s'ajouter à une accumulation d'affaires qui fragilise le parti depuis des mois.
Les ténors de l'opposition ne cherchent plus à cacher la gravité de la situation. "L'UMP est en danger bien entendu, en danger financier et en danger aussi politique avec l'accumulation des scandales", a reconnu Alain Juppé lundi. Et pour lui, "sauver l'UMP, ce n'est pas gagné". Le maire de Bordeaux, qui a discuté avec Nicolas Sarkozy au téléphone de la situation du parti d'opposition, a indiqué qu'il allait rencontrer l'ancien président pour continuer à en parler. Un ex-président et un ancien premier ministre au chevet de l'UMP, un parti qu'ils ont tous deux présidé par le passé : autant dire que l'heure est (très) grave.
Comptes : le grand flou
D'abord, il y a les interrogations sur la situation financière réelle du parti, relancées par la confirmation qu'un prêt de 3 millions d'euros a bien été accordé à l'UMP par son groupe à l'Assemblée nationale, à l'été 2012. Au-delà de la question de sa légalité, ce prêt, dont de nombreux députés affirment ne pas avoir eu connaissance, relance les spéculations sur la situation financière du parti. Si l'UMP avait besoin d'argent il y a deux ans, c'est parce qu'elle avait "un trou de trésorerie", a justifié le président du groupe, Christian Jacob (en photo avec Jean-François Copé).
Mais aujourd'hui, la situation n'est guère meilleure. Fin mai, des informations recueillies par Europe 1 montraient que l'UMP était au bord de la banqueroute. Le parti souffre de sa défaite aux élections législatives de 2012, dont les résultats déterminent sa dotation publique : il a ainsi perdu 12 millions d'euros par an par rapport à la période 2007-2012. D'autre part, les sympathisants sont moins généreux : seulement 20% des militants auraient payé leur cotisation cette année, et le montant des dons a sérieusement diminué.
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Pourtant, l'UMP a cruellement besoin de fonds. Notamment pour rembourser sa dette, qui tournait en mars autour de 55 millions d'euros, indiquait alors Jean-François Copé. "Si j'étais banquier, je m'inquiéterais", avertissait en mai Dominique Dord, l'ex-trésorier de l'UMP, au micro d'Europe 1. "Il y a un fort endettement, des charges de fonctionnement importantes et des remboursements à faire", a confirmé lundi Jacques Laisné, le nouveau trésorier du parti, sur l'antenne de France Bleu Périgord. "Il faut remettre de l'ordre", a-t-il affirmé. Rude mission, qui commencera le 1er juillet avec la publication d'un audit des comptes de l'UMP.
Bygmalion : le feuilleton continue
Mais ces comptes de l'UMP, ce sont aussi les accusations de surfacturation liées à la campagne de Nicolas Sarkozy en 2012. En résumé, des prestations de la société de communication Bygmalion ont été facturées à l'UMP, de façon à camoufler le dérapage des comptes de campagne, selon Jérôme Lavrilleux (photo), l'ancien bras droit de Jean-François Copé. Des révélations intervenues alors qu'une enquête préliminaire est en cours depuis mars pour "faux, abus de confiance et abus de biens sociaux".
En attendant de savoir ce qui s'est réellement passé, l'affaire plombe encore plus une ambiance déjà tendue en interne, chacun clamant son innocence. Les révélations de Jérôme Lavrilleux ont pourtant mis en cause plusieurs cadres de l'UMP. Et même si Lavrilleux assure que ni Sarkozy, ni Copé n'étaient au courant, certains s'interrogent sur leur rôle. Y compris au sein de l'UMP, puisque Xavier Bertrand a demandé la semaine dernière que Nicolas Sarkozy "donne sa version" de l'affaire.
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Guerre des chefs : l'impossible leadership
Et pendant que les scandales financiers s'enchaînent, la situation politique n'est guère plus reluisante. La démission de Jean-François Copé de la tête de l'UMP, effective depuis le 15 juin, a relancé le bal des ambitieux. Le parti, dirigé provisoirement par le triumvirat Alain Juppé-François Fillon-Jean-Pierre Raffarin, tiendra congrès en novembre pour se donner un nouveau président.
Pour l'instant, seuls deux candidats se sont déclarés, les députés Bruno Le Maire et Hervé Mariton. Mais d'autres, comme François Fillon, Xavier Bertrand ou François Baroin, laissent planer le suspense sur leurs intentions. Tout comme Nicolas Sarkozy, qui pourrait saisir cette opportunité pour sortir du bois. Selon le JDD, l'ancien président s'est organisé pour que ses proches occupent l'espace médiatique cet été. Pour préparer le terrain ?
En attendant, divisée et minée par les affaires, l'UMP manque cruellement d'un chef et d'un cap. Ce qui fait les affaires du Front national. Ainsi, pour Marine Le Pen, "l'UMP est "déjà morte", a-t-elle affirmé tout de go au Point, la semaine dernière. Au sein même du parti, on se demande si l'UMP pourra survivre à cette accumulation de malheurs. A l'instar du député de Paris Pierre Lellouche, lundi dans Le Parisien : "je ne sais pas si le parti est sauvable à ce stade. Il est peut-être trop tard".
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TROP TARD ? - Lellouche : "l'UMP n'est peut-être plus sauvable"
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