Lundi s’ouvre le procès de Jacques Chirac - et de neuf autres personnes - dans l’affaire des emplois présumés fictifs de la ville de Paris. Et si l’ancien Président de la République va devoir affronter le tribunal, il le doit principalement à un homme, Pierre-Alain Brossault, qui a porté plainte en 1998. Ce militant écologiste a été le premier - et longtemps le seul - à saisir la justice après avoir eu vent d’un système d’emplois fictifs à la mairie de Paris. Après, surtout, avoir tenté en vain de demander des explications à Jean Tibéri, successeur de Jacques Chirac comme maire de Paris.
"C’était une question de principe. Ce n’est pas un combat personnel contre Jacques Chirac. C’était une question de fond", assure Pierre-Alain Brossault, interrogé par Europe 1. "J’ai écrit au maire de l’époque, Jean Tibéri. Comme je n’ai pas eu de réponse, je me suis tourné vers le tribunal administratif pour lui demander de porter plainte en lieu et place de la Ville de Paris qui ne pouvait pas porter plainte. Qui ne voulait pas porter plainte…"
"Salaud, on aura ta peau"
Dès lors, la machine judiciaire est enclenchée, pour aboutir au fameux procès, au cours duquel seront étudiés une vingtaine de contrats douteux de chargés de mission. Pour autant, le militant écologiste ne se prend pas pour un héros, malgré les pressions. "C’est vrai que parfois au quotidien, ça peut être lourd. Quand vous rentrez chez vous et que vous voyez votre boîte aux lettres taguée ‘Salaud, on aura ta peau’, ou des coups de fil la nuit, les pneus de la voiture crevés, et j’en passe", détaille-t-il. "Mais bon, relativisons par rapport à d’autres combats qui sont menés dans d’autres pays."
Après s’être battu seul pendant plusieurs années, Pierre-Alain Brossault a le soulagement de voir Bertrand Delanoë, élu maire de la capitale en 2001, porter plainte à son tour au nom de la ville de Paris. Sauf qu’un arrangement a finalement été trouvé en septembre 2010 entre les socialistes et Jacques Chirac et que la Ville a retiré sa plainte, juste avant le procès. Il n’y a donc plus de plaignant pour porter la contradiction au procès de Jacques Chirac, comme il n’y a d’ailleurs pas d’accusation puisque le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, a demandé un non-lieu.
"J’ai fait gagner à ma commune trois millions d’euros"
Pour Pierre-Alain Brossault, cet accord n’est pas un problème, puisque le désistement n’a pas été gratuit. L’UMP et Jacques Chirac ont remboursé les salaires indûment versés, comme d’ailleurs Alain Juppé l’avait fait dans une première affaire d’emplis fictifs jugée à Nanterre. "Entre l’argent récupéré avec Juppé, plus celui de Chirac, il y a 3 millions d’euros. Je peux dire que j’ai fait gagner à ma commune 3 millions d’euros", se félicite l’écologiste.
Le seul fait de voir Jacques Chirac présent à ce procès la semaine prochaine est aussi pour lui une autre belle victoire. C'est aussi une victoire pour la justice, notamment pour la juge d'instruction Xavière Siméoni, qui a tenu ce dossier à bout de bras contre vents et marées. Et pour tous ceux qui pensaient et déploraient que Jacques Chirac, dont la saga judiciaire et l'impunité durent depuis 20 ans, échapperait définitivement à la justice.