La France a-t-elle livré des grenades à la Tunisie juste avant la fuite de Ben Ali ? C’est la question que souhaite éclaircir l'opposition de gauche qui a reproché mercredi au gouvernement français d’avoir envoyé des grenades à la Tunisie en fin d’année dernière. Des accusations formellement démenties par François Fillon. Le Premier ministre a parlé, mercredi, à l'Assemblée nationale "d'accusations sans fondement" et précisé qu'aucune livraison n'avait formellement été réalisée, car les envois avaient été bloqués par les douanes.
Des autorisations données par Kouchner
Les accusations portées par l’opposition sont également évoquées et développées dans Le Monde. Le quotidien dans son édition de jeudi, assure que le gouvernement avait bel et bien donné son accord à la fin de l'année dernière pour quatre livraisons de grenades lacrymogènes au régime du président tunisien déchu, Zine Ben Ali.
Conformément à la procédure, les livraisons auraient été approuvées par les ministères de l'Intérieur, de la Défense et des Affaires étrangères, selon le quotidien. L'une d'entre elles aurait été bloquée par les douanes à l'aéroport de Roissy le 14 janvier, le jour même de la fuite en Arabie Saoudite de Ben Ali. Le motif du blocage reste flou, les douanes parlant de problème technique et non politique, selon Le Monde.
Michèle Alliot-Marie, ministre des Affaires étrangères à partir de novembre, aurait été informée par ses services de ces projets de livraison. Son cabinet explique dans le quotidien que les autorisations pour les livraisons de grenades ont été données avant son arrivée au Quai d'Orsay, sous son prédécesseur Bernard Kouchner. Michèle Alliot-Marie certifie avoir ordonné les blocages des livraisons le 14 janvier.
Mais François Fillon a expliqué que des autorisations avaient, bel et bien, été données par le gouvernement français, mais qu'elles ne concernaient pas les matériels finalement retenus en France.
Fillon attaque la gauche
Le Premier ministre a accusé la gauche d'avoir accepté de livrer au ministère de l'Intérieur et à la présidence de Tunisie, quand elle était au pouvoir entre 1997 et 2002, des armes à feu, des grenades de divers types et des menottes. "Des accusations comme celles-là sont déshonorantes pour vous et ne servent pas la France", a encore dit François Fillon aux socialistes.
C'est dans ce contexte de contrats de livraison que Michèle Alliot-Marie, ministre des Affaires étrangères, avait proposé le 11 janvier l'aide de la France pour la maîtrise des manifestations en Tunisie. Ces déclarations de Michèle Alliot-Marie avaient suscité de vives critiques de l'opposition de gauche, qui y ont vu le symbole du soutien de la France au régime de Zine Ben Ali et déclenché la polémique autour des livraisons de matériels de répression.
Echange houleux à l’Assemblée
Un échange violent a d’ailleurs eu lieu à ce sujet, mardi, à l’Assemblée entre la ministre des Affaires étrangères et le socialiste Gaétan Gorce qui lui demandait des explications. La ministre a affirmé que la France n'avait jamais apporté sa coopération policière au régime du président tunisien déchu, sauf sur un plan institutionnel. "La coopération avec la Tunisie est essentiellement tournée vers l'aide aux populations et, depuis toujours, l'aide au développement, l'aide à l'éducation et à la formation (...)", a-t-elle dit. "En matière de police, c'est très clair, nous avons une coopération extrêmement faible, essentiellement institutionnelle, c'est-à-dire dans le cadre d'Interpol. Nous n'avons rien à cacher en matière de coopération", a-t-elle ajouté.