L'INFO. Le 4 novembre dernier, le gouvernement a fait adopter par Parlement une loi visant à renforcer l'arsenal juridique pour lutter contre le terrorisme. Les centristes et l'UMP avaient même applaudi des deux mains ce texte. Les attentats sanglants de la semaine dernière ont toutefois démontré que des mesures pouvaient encore être prises. "Quand il a 17 morts, c'est qu'il y a eu des failles", a ainsi reconnu le Premier ministre Manuel Valls. "Il y a sans doute de nouvelles mesures à prendre", a abondé Laurent Fabius sur Europe 1. L'ensemble de la classe politique est d'accord pour en faire plus. Plus, d'accord, mais quoi ?
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• COMMENT AMELIORER LE RENSEIGNEMENT FRANÇAIS ?
"Donner le plus vite possible encore davantage de moyens (aux) services". Dans le viseur du Premier ministre, les services de renseignement, pointés du doigt. Les frères Kouachi, auteurs de la tuerie de Charlie Hebdo, ont ainsi longtemps été surveillés par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), avant de sortir des radars. La mise sur écoute de leurs téléphones a également été abandonnée car le contenu des conversations ne laissait rien apparaître de suspect. Manuel Valls a donc annoncé vouloir "donner le plus vite possible encore davantage de moyens (aux) services. Il y a sans doute des problèmes juridiques pour effectivement améliorer encore la possibilité des systèmes d'interception, parce qu'entre les écoutes administratives et judiciaires, on peut encore être plus performant".
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Bernard Squarcini, directeur central du renseignement intérieur (DCRI, devenue DGSI) de 2008 à 2012, invité dimanche du Grand Rendez-vous Europe 1 - iTELE - Le Monde, estime lui aussi qu'il faut faire évoluer la législation "car le service de renseignements ne peut travailler qu’avec la boîte à outil qu’on lui fournit. Si vous devez réparer une 403, ça va, si vous devez réparer une BMW, il faut peut-être changer de boîte à outils".
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Et ce n'est pas Nicolas Sarkozy qui le contredira. L'ancien chef de l'Etat a jugé, lundi sur RTL, que la première priorité du gouvernement devrait être d'"exonérer les services de renseignements et de la sécurité des mesures d'économies absolument indispensables pour toutes les autres administrations. On ne peut pas prendre le moindre risque, en termes de matériels ou d'hommes."
Je demande au Ministre de l’intérieur de renforcer l’armement et la protection des policiers municipaux http://t.co/m5998Jucvf#PM#securite— Christian Estrosi (@cestrosi) 12 Janvier 2015
Une posture partagée par Marine Le Pen qui a demandé au gouvernement, sur i-TELE, "l'arrêt des politiques d'austérité" qui frappent les services de renseignement par un "moratoire immédiat sur les baisses d'effectifs dans l'armée".
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Lutter au niveau européen. Autre piste de réflexion pour donner davantage d'armes au renseignement français : la coopération internationale. Réunis dimanche matin à Paris avant la grande marche républicaine, une dizaine de ministres européens de l'Intérieur ont promis de renforcer leur coopération pour optimiser les contrôles aux frontières de l'UE, les échanges de données sur les passagers aériens et prévenir la radicalisation. "Nous avons été incapables de traiter la question du contrôle des voyages aériens à l'intérieur de l'Europe. On doit s'y mettre, c'est un impératif !", a tonné le centriste François Bayrou. "C'est une priorité absolue", a enchéri Nicolas Sarkozy.
• COMMENT MIEUX SURVEILLER LES DJIHADISTES ?
"Il y a des mesures à prendre en plus sur le Net". La France, comme tous les pays occidentaux, est confrontée au problème du retour de centaine de djihadistes sur son sol. "Il y a 1.400 individus qui sont concernés par les départs pour le djihad, pour le terrorisme, en Syrie et en Irak", a reconnu Manuel Valls. Se pose dès lors la question de leur surveillance une fois revenus en France. Le Premier ministre a d'ores et déjà laissé entendre que des mesures seraient prises pour combattre la diffusion de messages de "haine" sur internet.
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C'est en effet bien souvent sur la Toile que les recruteurs du djihad repèrent leurs cibles et commencent leur travail de sape. Et c'est aussi sur Internet qu'Amedy Coulibaly a revendiqué ses actes. "Il y a des mesures à prendre en plus sur le Net, car cela a un effet de contamination, de mimétisme. Tout ce qui est appel au terrorisme doit être bloqué", a lui aussi estimé Laurent Fabius.
L'encellulement individuel des djihadistes. Manuel Valls a autre chose en tête pour éviter le passage à l'acte de ces terroristes en herbe : généraliser l'isolement en prison des détenus islamistes radicaux pour qu'ils ne puissent pas communiquer entre eux et s'organiser. Sur ce point, il aura l'appui de Nicolas Sarkozy, favorable à "l'encellulement individuel". Mais aussi de Marine Le Pen, qui condamne aussitôt le prétendu laxisme de la justice française : "Il faut qu'ils y restent, en prison ! Coulibaly a été condamné à 5 ans de prison et il en est sorti quelques mois après!"
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Si Manuel Valls et Nicolas Sarkozy semblent globalement assez d'accord sur les moyens à mettre en place pour ne plus revivre un tel cauchemar, l'ancien chef de l'Etat a en revanche une position plus radicale sur le sujet du retour des djihadistes. Et une solution qui l'est tout autant : "ces Français qui partent six mois faire le djihad, au Yemen ou ailleurs, ne devraient pas pouvoir revenir sur le territoire, y compris s'ils sont Français", a-t-il estimé.
Une discordance qui ne doit pas faire oublier la concertation souhaitée par l'ensemble des partis politiques. Le patron des députés UMP, Christian Jacob, va ainsi demander la création d'une commission d'enquête sur les attentats de la semaine dernière, et son homologue PS, Bruno Le Roux, a dit "souhaiter aussi" cette commission. Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS, a quant à lui proposé de rencontrer "l'ensemble des partis républicains" sur les questions de sécurité.