La grogne clandestine de jeunes pousses du PS

Les jeunes du collectif "Génération changement" déplorent que les portes des ministères leur soient restées closes.
Les jeunes du collectif "Génération changement" déplorent que les portes des ministères leur soient restées closes. © MAXPPP
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Anonymement, certains se plaignent du peu de place laissé aux jeunes dans les cabinets ministériels.

Mais qui se cache derrière "Génération changement" ? Ce mouvement a publié vendredi dernier une tribune dans Libération, pour se plaindre assez sèchement du peu de places laissées à la jeune génération dans la composition des cabinets ministériels. Suffisamment intrigant pour chercher à savoir qu’est cet autoproclamé "collectif de plusieurs dizaines de jeunes contributeur au projet et à la campagne de François Hollande".

La première piste mène naturellement au Mouvement des jeunes socialistes. "Génération changement" est après tout une formule utilisée par le MJS comme slogan "depuis près de 18 mois", précise un responsable à Europe1.fr. Mais non, la formation des jeunes socialistes n’en a pas entendu parler. "On a été ni informés ni associés à cet appel. Et honnêtement, on n’en a pas parlé entre nous", assure le jeune homme.

"Des jeunes qui ont fait campagne ardemment"

On parvient finalement à joindre un certain Nicolas Blas. C’est sous ce pseudonyme que se cache le président de "Génération changement". Le jeune homme a accepté de répondre aux questions d’Europe 1.fr. "En politique, il faut toujours être prudent", avance en guise d’explication le jeune homme, qui revendique "au moins une trentaine de membres".

Point de noms en revanche. Trop peur des représailles et de voir les portes se fermer sur une carrière politique à peine naissante. "Ce sont des jeunes qui ont fait campagne ardemment, dans les laboratoires d’idées du Parti socialiste, à Terra Nova (un think-tank proche du PS, ndlr), ou par un travail de coordination auprès de figures du parti", distille le jeune homme.

"Peut-être un peu de candeur"

Pour ces jeunes ambitieux, l’après-présidentielle a été comme une douche froide. Beaucoup sont restés en vain à attendre le coup de fil providentiel au lendemain et au surlendemain de l’annonce de la composition du gouvernement, le 16 mai dernier. "Pendant la campagne, nous étions à la manœuvre. Alors il y a désormais une vraie déception, un vrai dégoût", assure Nicolas Blas.

"Il y avait peut-être un peu de candeur, c’est vrai que la politique est dure, mais on ne s’attendait pas à ça", poursuit le jeune homme, qui pointe dans les équipes ministérielles "un manque de la jeune génération d’une part, d’une diversité des trajectoires d’autre part". D’autant plus injuste, estime le collectif, que François Hollande avait fait de la jeunesse un thème majeur de sa campagne. "Si encore il avait appuyé son discours sur les personnes âgées", grince le président du mouvement.

Ministres inexpérimentés et "règle des 15"

Le jeune homme y voit plusieurs explications. Le manque d’expérience de certains ministres, d’abord. "Par crainte, on a placé des directeurs et des membres de cabinet très expérimentés," estime Nicolas Blas, qui s’insurge : "Certains se sont découverts de gauche au grand meeting de Vincennes de François Hollande. Des conseillers techniques sont quinquagénaires, alors qu’il faut des jeunes qui aient de l’énergie, qui en veulent, qui travaillent jusqu’à 23 heures…"
 
 L’autre raison, c’est la fameuse "règle des 15", qui limite à 15 le nombre de collaborateurs dévolus aux ministres et à 10 celui des ministres délégués. Du temps de François Fillon, ce plafond avait été fixé à 20, et plus encore lors des mandatures précédentes. "Ça a tout foutu en l’air", peste Nicolas Blas, qui estime que ce sont les jeunes qui ont le plus pâti de cette réduction drastique des effectifs.  "Du coup, il manque la base de la pyramide. Et on ne forme pas la génération de demain", dénonce le président de "Génération changement".

"Aucune réaction de l’Elysée et de Matignon"

Mais à trop vouloir jouer la discrétion, le risque est grand d’être inaudible. Le compte Twitter du mouvement comptait mercredi après-midi… quatre abonnés. Quant à la page Facebook, personne, au même moment, n’avait cliqué sur "J’aime". Et au Mouvement des jeunes socialistes, on assure ne pas savoir qui est derrière la démarche… et ne pas s’en préoccuper plus que cela.

Quid des principaux concernés ? "On n’a eu aucune réaction de l’Elysée ou de Matignon", confie Nicolas Blas. Pourtant, tant les services de François Hollande que ceux de Jean-Marc Ayrault étaient au courant. "On leur avait fait parvenir deux ou trois messages, et on les avait prévenus que la tribune allait sortir le lendemain dans Libération. Mais on n’a eu aucune nouvelle. Et malgré notre volonté de rester discret, ils auraient pu nous joindre facilement", estime le jeune homme.

Le collectif espère tout de même avoir été entendu. "Après le 17 juin (2e tour des élections législatives, ndlr), quand les cabinets se recomposeront, la donne changera", veut croire Nicolas Blas. "Si on n’a pas été entendu, alors ce sera un combat au long cours", prévient-il. Il faudra alors, sans doute, sortir de l’ombre.