Clairement, il n’y a pas une seule ligne au Parti socialiste sur l’épineuse question de l’ouverture de la procréation médicale assistée (PMA) aux couples homosexuels. Au lendemain d’une Manif pour tous qui a réuni au moins 100.000 personnes le sujet, brûlant pour la gauche, est à nouveau sur la table. Entre un gouvernement qui s’oppose à tout amendement sur le sujet, des députés qui réclament leur autonomie et veulent un débat, et un Parti socialiste qui s’aligne sur la position de l’exécutif, difficile de s’y retrouver.
Pour se donner le temps le gouvernement a d'ailleurs annoncé, lundi, qu'il ne présentera finalement pas de projet de loi sur la famille en 2014, prévu pour avril. Confirmant une information d'Europe1, l'entourage du Premier ministre invoque notamment des "travaux préparatoires (qui) doivent se poursuivre" pour peaufiner ce projet de loi, ainsi qu'un "calendrier parlementaire déjà dense".
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Pas dans le programme de Hollande, mais… La PMA ne faisait pas partie des 60 engagements de François Hollande lors de sa campagne présidentielle. Mais dans un entretien au magazine Têtu, consacré à la cause homosexuelle, le futur chef de l’Etat s’y était déclaré favorable pour les couples de lesbiennes "à condition" qu'il y ait "un projet parental" mais qu'il était "hostile à la gestation pour autrui". Pourtant, la PMA est bel et bien absente du projet de loi présenté par Christiane Taubira en conseil des ministres.
Trois pas en avant, trois pas en arrière. Car le gouvernement avait laissé le soin aux députés d’ajouter ou non cette proposition à la loi. Fin 2012, d’ailleurs, Bruno Le Roux avait annoncé le dépôt par le groupe PS d'un amendement autorisant la PMA pour les couples de lesbiennes dans le projet de loi sur le mariage et l'adoption pour les couples de même sexe. Mais les députés PS, divisés, avaient fini par y renoncer début janvier 2013, contre la promesse du gouvernement que ce sujet figurerait dans un projet de loi sur la famille étudié plus tard. "Le groupe prendrait ses responsabilités pour faire en sorte que la chose puisse être discutée ici" si cette promesse n'était pas tenue, avait alors averti Bruno Le Roux.
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Pour le gouvernement, c’est non ! Au moins, la position du gouvernement est elle désormais sans équivoque. C’est Manuel Valls qui a clarifié cette ligne lundi matin, en annonçant sur RTL que "le gouvernement s'opposerait à des amendements parlementaires sur la gestation pour autrui (GPA) et la procréation médicale assistée (PMA)" lors de l'examen du projet de loi sur la famille prévu - initialement - en avril. Et la position du ministre de l’intérieur n’est pas isolée au sein de l’équipe Ayrault. "Nous confirmons que le gouvernement s'opposera à d'éventuels amendements visant à légaliser en France la PMA et la GPA", a-t-on entendu dans l'entourage du Premier ministre.
Les députés PS pas contents. Le problème, c’est que les députés socialistes y tiennent, à la PMA. Quelques minutes à peine après la sortie de Manuel Valls, Bruno Le Roux a fait part de son mécontentement. Le président du groupe PS à l’Assemblée a enjoint le ministre de "respecter la règle du jeu fixée par le gouvernement et le parlement", à savoir d'attendre l'avis du Comité national consultatif d'éthique (CNCE) sur la question. "Cette annonce sur ce que sera l'attitude du gouvernement me semble prématurée", a regretté l’élu de Seine-Saint-Denis. Cette fameuse décision du CNCE est attendue pour le premier trimestre 2014.
Jérôme Guedj, représentant de l’aile gauche du PS, s’est dit lui prêt à aller à l’affrontement. "Ça veut dire qu’il va ya voir un débat entre les parlementaires et le gouvernement", a réagi le député de l’Essonne, interrogé par Europe 1. "Je rappelle que cette proposition sur la PMA, est dans le corpus des propositions du Parti socialiste depuis des années. Il est légitime, et ce n’est pas un crime de lèse-majesté, d’être cohérent avec des propositions qu’on défend", s’est-il agacé.
Le PS officiel recadre. Puis est venue, de la rue de Solferino, une mise au point du PS désavouant les députés socialistes. "Le PS ne souhaite pas que dans la nouvelle loi famille il y ait d'autres débats et d'autres propositions qui introduisent ces questions", a affirmé David Assouline, porte-parole du parti. "La GPA, vous le savez depuis longtemps, c'est dans tous les textes du PS, nous sommes opposés. Et sur la PMA, il y a des débats, le Parti socialiste ne souhaite pas que dans la loi famille qui va venir à la discussion (annoncée au Parlement en avril, ndlr), cette question soit abordée", a-t-il expliqué. "Le gouvernement aujourd'hui dit non" à la PMA dans la loi famille "et le parti socialiste soutient la position du gouvernement", a encore affirmé le sénateur de Paris.
>>> La solution
Une solution radicale : le report du projet de loi. Alors pour éviter un nouveau couac au sein de la majorité, voire du PS, le gouvernement a opté pour une décision plus radicale : reporter l’examen du projet de loi dans son entièreté. Car au-delà de la polémique interne, un débat sur ce sujet aurait une autre conséquence néfaste pour la gauche, que la droite refasse corps. François Hollande avait en effet réussi un coup de maître en déstabilisant la droite avec son pacte de responsabilité aux entreprises. Un débat sur la PMA pourrait permettre à l’opposition de se serrer à nouveau les coudes.
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