L'INFO. Au sein de la majorité, on ne parle plus que de ça. "Ça", c'est le vote de confiance que Manuel Valls va solliciter auprès de l'Assemblée nationale, mardi. Si l'issue du vote ne fait guère de doute, le Premier ministre a décidé de respecter la tradition républicaine, qui veut qu'un nouveau gouvernement engage sa responsabilité après un remaniement, et ce même si la Constitution ne l'y oblige pas. Europe 1 revient sur les origines de cette procédure.
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Un héritage venu d'Angleterre. Prévue à l'article 49 alinéa 1 de la Constitution de 1958, la question de confiance - "une invention des Anglais, qui ont créé la démocratie parlementaire", rappelle Olivier Duhamel, spécialiste du Droit constitutionnel – est encore plus vieille que cela. Il faut en effet remonter à la 3e République pour en voir l'apparition en France. "Le premier vote négatif date de 1877 et avait obligé le président MacMahon à mettre fin au gouvernement d'Albert de Broglie", se souvient Mathias Bernard, spécialiste de l'histoire politique, interrogé par Europe 1.
Des abus au 19e siècle. Sous la 3e République, l'usage se systématise, et à en croire nos deux spécialistes, des dérives voient le jour. "On en a un peu abusé sous la 3e République quand les groupes politiques étaient beaucoup moins disciplinés qu'aujourd'hui. Cela a abouti à une vraie instabilité gouvernementale", regrette Mathias Bernard. Des évolutions étaient donc nécessaires. "Il a fallu attendre l'instauration de la 5e République pour que l'on commence à réglementer cette question de confiance. Auparavant, il était beaucoup trop facile de faire tomber un gouvernement", assure Olivier Duhamel (photo), contacté par Europe 1.
"C'est une arme interne". Mais en 2014 comme à la fin du 19e siècle, l'objectif reste le même : montrer que le gouvernement a le soutien de sa majorité. "Pour Manuel Valls, cette tradition républicaine lui permet de répondre à des tensions internes. C'est une façon de dire aux frondeurs : 'êtes-vous prêts à me renverser ?' C'est une arme interne et cela, on revient à l'esprit de la 3e république", confirme Mathias Bernard, président de l'université Blaise Pascal, à Clermont-Ferrand. Pour Olivier Duhamel, spécialiste de la 5e république, "l'intérêt pour le Premier ministre est de montrer le décalage qui existe entre ce qui se dit dans les médias – "les frondeurs du PS sont des méchants", "Valls est de droite" etc. – et la réalité. Et la réalité, c'est que le chef de gouvernement aura le soutien d'une bonne majorité des élus socialistes."
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"C'est dans le vocabulaire courant". Quant à l'origine de l'expression "question de confiance", on cherche encore. Dans la Constitution, la notion n'existe pas. L'article 49 stipule ainsi que "le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, engage devant l'Assemblée nationale la responsabilité du gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale." Olivier Duhamel assure qu'on a "toujours parlé de question de confiance. C'est plus parlant." Mathias Bernard ne dit pas autre chose : "c'est dans le vocabulaire courant, on le dit depuis la fin du 19e siècle. Et c'est assez juste comme formulation puisque le Premier ministre demande un soutien global et non pas sur un texte bien précis, donc le terme de 'confiance' colle plutôt bien."