La France doit-elle réviser sa constitution avant d'adopter le dernier traité de stabilité budgétaire européen et sa "règle d'or" ? Le Conseil constitutionnel tranchera jeudi cette question d'apparence technique mais aux répercussions très politiques.
Une application dès le 1er janvier 2013
Les juges constitutionnels, qui siègent sous la présidence de Jean-Louis Debré, avaient été saisis le 13 juillet par François Hollande sur ce texte entériné le 30 janvier par 25 des 27 pays de l'UE sur fond de crise financière et de dettes nationales.
Ce traité sur "la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire" vise à renforcer la discipline budgétaire dans la zone euro. Sa mesure la plus emblématique impose à tous les signataires, sous peine de sanction, de se doter de "règles d'or" visant à l'équilibre des comptes publics. Le traité doit commencer à être appliqué le 1er janvier 2013, à condition que douze Etats l'aient ratifié.
Nicolas Sarkozy sera absent
S'étant engagé, quand il était candidat à la présidentielle, à renégocier ce texte voulu par l'Allemagne et par son prédécesseur à l'Elysée, François Hollande s'y est rallié après l'ajout en juin d'un volet "croissance" de 120 milliards d'euros.
Désormais membre de droit du Conseil constitutionnel, Nicolas Sarkozy ne participera d'ailleurs pas aux débats jeudi, afin de ne pas être juge et partie, a-t-on précisé au Palais Royal.
Des précédentes révisions de la Constitution
La question posée par le président Hollande au haut conseil -comme le veut l'article 54 de la constitution- était : l'adoption de ce traité, soumis au Parlement fin septembre, doit-elle être ou non précédée par une retouche du texte fondamental de la Ve République ?
Par quatre fois déjà, les juges constitutionnels ont imposé une telle réécriture : pour le traité de Maastricht en 1992, pour celui d'Amsterdam en 1997, pour la constitution européenne en 2005 et enfin, sur le traité de Lisbonne en 2007.
L'Elysée espère ne pas consulter le Parlement
L'exécutif souhaite éviter d'en passer par là pour ce nouveau texte européen. La révision suppose une approbation des trois cinquièmes des parlementaires réunis en Congrès. Or cette majorité qualifiée ne lui est pas du tout garantie.
Le Front de gauche est à fond contre et le quotidien communiste l'Humanité a lancé le 20 juillet une pétition pour réclamer un référendum sur ce qui, à ses yeux, "prône l'austérité à perpétuité". Même démarche pétitionnaire du "Rassemblement bleu marine" constitué autour de la présidente du Front national, Marine Le Pen.
Plus grave pour François Hollande et Jean-Marc Ayrault, des socialistes renâclent aussi devant ce "traité Merkozy" qu'Arnaud Montebourg, devenu depuis ministre, pourfendait pendant la campagne électorale. Marie-Noëlle Lienemann, membre de l'aile gauche du PS, a prévenu le 16 juillet qu'elle ne le voterait pas. Idem pour son collègue écologiste au Sénat, Jean-Vincent Placé.
Un taux pas différent du traité imposé par Maastricht
L'hypothèse la plus favorable pour François Hollande est donc la configuration du traité européen de Nice en juin 2001 : une adoption parlementaire sans révision constitutionnelle préalable. C'est aussi l'hypothèse la plus probable, selon des experts.
Ces derniers relèvent d'ailleurs que le taux de "règle d'or" prévu par le traité (déficit maximum de 0,5% du PIB) est certes un engagement nouveau, mais que juridiquement, il n'est pas différent du taux de 3% imposé par Maastricht, qui avait été en son temps jugé conforme à la Constitution.