Pour tenter de se remettre de l’affaire Cahuzac, le couple exécutif mise sur un nouveau credo : la transparence. Avec un outil : la publication du patrimoine des parlementaires et des membres du gouvernement. D’abord salué, et même appliqué avec zèle par certains, ce tout nouveau dispositif est désormais fortement décrié, que ce soit par les principaux concernés, les politiques de gauche comme de droite, ou par certains observateurs. Et ces pourfendeurs ne manquent pas d’arguments.
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Une loi existe déjà. Il n’est pas inutile de rappeler que les parlementaires et les ministres doivent déjà remplir une déclaration de patrimoine lors de leur entrée en fonction, puis lors de leur départ. Une Commission sur la transparence, créée en 1988, est chargée du contrôle, et les déclarations ne sont actuellement pas publiques."La loi sur la transparence a déjà un nom : le Code Pénal", rappelle Jean-Jacques Urvoas, député PS du Finistère, dans Le Parisien. Mais dans les faits, la commission est inopérante. Sur les 12 dossiers transmis à la justice en 25 ans, 12 ont été classés sans suite. Et puis les élus ne sont pas forcément très scrupuleux. "Ce qui n'est pas normal dans le système français actuel, c'est que certains ne remplissent même pas leur déclaration et ne respectent même pas les règles en vigueur", a ainsi pesté sur Europe 1 l’éditorialiste Olivier Duhamel.
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Ça n’aurait pas empêché Cahuzac de mentir. Si une loi sur la transparence des patrimoines des élus avait existé, l’affaire Cahuzac aurait-elle pu être évitée ? "Non", répondent plusieurs acteurs et observateurs. Dans le cas de Jérôme Cahuzac, "ça n'aurait rien changé du tout. Quand vous êtes malhonnête, aucune règlementation ne règle la question", a ainsi argué François Fillon lundi soir sur France 2. "Si cette mesure avait été prise il y a trois semaines, Jérôme Cahuzac aurait eu un bilan absolument formidable à présenter et n'aurait pas fait état de son compte en Suisse", a affirmé Pierre Haski, cofondateur de Rue89, sur France Info. "En tout cas, aucune fraude ne pourra être constatée grâce à ces déclarations - Jérôme Cahuzac en avait rempli une : c'est le montant du patrimoine qui sera jugé, et non son origine", abonde Hervé Gattegno, éditorialiste au Point. Bref, "la crédibilité de cet affichage est proche de zéro", a conclu Pierre Haski.
Les riches seront pointés du doigt. C’est l’un des principaux, sinon le principal argument avancé par les sceptiques et autres opposants. "Les riches seront pointés du doigt, les moins nantis seront suspectés de dissimulation", prédit ainsi Caroline Roux. Même réserve du côté de Benoist Apparu. "Ce week-end, j’ai failli le faire, puis je me suis fais une petite réflexion en me disant : ‘OK, je vais le faire, mais en le faisant, je vais pointer du doigt ceux qui ne le feront pas’. Et bien évidemment à ce moment-là, on se dira : si lui ne le fait pas, c’est qu’il a des choses à cacher", a jugé le député UMP sur Europe 1. "Si je prends l’exemple d’un député qui a été chef d’entreprise avant, qui a eu une belle profession médicale, et qui a donc obtenu un certain nombre de patrimoine pas son travail ou par héritage, il va être cloué au pilori", prédit l’élu de la Marne.
La manœuvre du #PS ne trompe personne : faire oublier Cahuzac en jetant le discrédit sur tout le monde.— Jean-Pierre Raffarin (@jpraffarin) 9 avril 2013
La publication des patrimoines des ministres et des élus risque pour certains de donner lieu à des comparaisons et des vindictes. "Quel usage sera fait de ces informations ?", s’interroge de son côté Hervé Gattegno. "On le devine déjà : à désigner à la vindicte les élus dont le patrimoine sera jugé trop important", répond l’éditorialiste. "Et si demain on généralise, qu’est-ce qu’on va avoir ? On va avoir derrière le classement du patrimoine des députés ou des ministres. Ceux qui ont beaucoup, ceux qui ont peu", craint de son côté Benoist Apparu. "Et évidemment derrière, ça va tout de suite générer du doute : ‘mais comment a-t-il eu ça’ ? Je crains malheureusement que de la transparence, on passe à un nouveau poujadisme", conclut le député UMP.
La publication du patrimoine n'est pas une attestation en honnêteté— Nadine Morano (@nadine__morano) 9 avril 2013
Les ministres, les élus et qui d’autres encore ? Certains partisans de la transparence appellent à l’extension de la déclaration de patrimoine aux proches des élus. "Faire la course à tout savoir, et vos enfants combien ont-ils, et votre cousine, et qu'avez-vous fait il y a 30 ans : ça devient du délire !", a ainsi jugé Olivier Duhamel sur Europe 1. Quant à Christian Jacob, il a choisi l’ironie. "Il faut prendre en compte tous ceux qui décident au nom du peuple ou qui portent la parole publique. Ça veut dire l’ensemble des élus, les hauts fonctionnaires, les magistrats, les journalistes, les patrons d’organisations syndicales, les patrons d’ONG", a énuméré sur Europe 1 le président du groupe UMP à l’Assemblée. "Et si on veut être cohérent, allons au bout des choses et demandons simplement que tous les citoyens aient l’obligation de rendre publiques leurs déclarations de revenus et de patrimoine. Comme ça, le problème sera résolu."
La crédibilité, ça ne se décrète pas. La sentence ne vient pas de n’importe qui. Elle est signée Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur. "Je peux publier mon patrimoine, ça m’est égal. Mais ça ne règle rien", ajoute l’ex-députée de l’Isère dans Le Parisien. Ce doute quant à l’efficacité de la mesure est largement partagé. "Les élus sont abîmés par une profonde crise de crédibilité. Tant qu’ils n’auront pas démontré qu’ils pèsent encore sur les événements et sur la courbe du chômage, il ne faut pas attendre un quelconque regain de confiance", a ainsi décrypté Caroline Roux dans son édito politique mardi sur Europe 1. "Les politiques pourront rouler vert, manger bio, acheter français oublier les vacances à l’étranger, prendre le train, signer des déclarations sur l’honneur, ouvrir les portes de leur demeure. Sans la preuve de leur efficacité, la transparence ne suffira pas", a asséné la journaliste.