"Les ministres passent, l’administration reste". L’adage français connaît une exception. Chaque changement au sommet de l’Etat s’accompagne invariablement de son lot de fonctionnaires promus et de "placardisés". A son arrivée à l’Elysée, le camp Hollande n’a d’ailleurs pas caché que certains postes de la fonction publique seraient renouvelés.
"Il ne s'agit pas de règlement de comptes" ou "de chasse aux sorcières", a ainsi expliqué, mercredi sur RTL, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Mais, "il y a quelques postes stratégiques où les personnes qui sont nommées doivent être en cohérence parfaite avec les orientations politiques qui sont celles du président de la République", a-t-il ajouté, confirmant que des hauts fonctionnaires, dont les patrons de la police nationale et du renseignement intérieur, Frédéric Péchenard et Bernard Squarcini seront prochainement "remplacés".
Qui sont les fonctionnaires concernés ?
Cependant, tous les hauts fonctionnaires ne sont pas concernés par cette valse du pouvoir. "Ceux des collectivités locales, par exemple, sont relativement épargnés", explique à Europe1.fr Vincent Péguy, auteur de La déontologie dans la fonction publique territoriale. Dans le collimateur des ministres, "on retrouve principalement des fonctionnaires d’Etat", ajoute-il. Ces personnalités sont principalement issues de trois grands corps "les préfectures, les rectorats et les directions de l’administration centrale comme la direction des finances, celle du budget, etc…", indique, pour sa part, Guillaume Tusseau Professeur de droit public à Sciences-Po.
"Ces directeurs sont nommés par le président de la République sur proposition du ministre compétent", précise-t-il, "ce qui peut évidemment poser problème en cas de cohabitation si le président refuse d’accéder aux requêtes du gouvernement". Les postes les plus convoités sont en général des postes de directeur et de préfet dans des points stratégiques, comme en Corse par exemple.
Qui sera placardisé, qui sera promu ?
Comment ces fonctionnaires amis sont-ils "choisis" ? "Soit ils ont exprimé leur soutien - tout en respectant leur obligation de réserve - à un candidat durant la campagne, soit ils ont des relais au ministère de l’Intérieur. Il peut enfin s’agir de proches de préfets fraichement nommés dans les ministères", ajoute Guillaume Tusseau, faisant allusion à ces préfets intégrés désormais dans les cabinets des membres du gouvernement. Christiane Barret, préfets des Deux-Sèvres, a ainsi rejoint le ministère de la Ville, tandis que Jean-Luc Névache délégué interministériel à la Sécurité routière a intégré le cabinet de Marisol Touraine.
Que deviendront les autres ? Ils seront affectés à des zones moins en vue ou nommés "préfet hors cadre", voire placés à "la retraite d’office". C’est ce qui pourrait par exemple être le sort du sarkozyste Christian Lambert, l’ancien patron du Raid, désormais préfet de Seine-Saint-Denis, qui a atteint la limite d’âge depuis un an.
"Pour certains, il sera toutefois difficile de les déloger", explique Guillaume Tusseau "ces fonctionnaires ont peut-être une couleur politique, ils n’en ont pas moins des compétences techniques et droit au poste auquel ils sont nommés".
Pas d’impulsion dans les autres administrations
Et puis, il ne faut pas oublier qu’en l’espace d’une campagne, certains ont eu le temps de changer d’avis, ironise Vincent Péguy. "Je me souviens d’avoir vu, en 1995, un préfet fidèle de Mitterrand, devenir très très rapidement un chiraquien convaincu", se rappelle-t-il.
En attendant, il y a une certaine latence ou plutôt un attentisme dans les administrations. "En cette période électorale, les différents corps de l’administration continuent de faire le suivi mais on sent bien qu’il n’y a plus d’impulsions sur les différents projets", précise-t-il.
"Il faudra attendre un temps - quelques semaines à quelques mois - pour que les choses redeviennent à la normale...", ajoute ce fonctionnaire.