Et de trois ! Le contrat de vente de 24 avions Rafale au Qatar a été signé lundi, à Doha, en présence de François Hollande. Un succès de plus pour le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, lui aussi présent lors de cette signature, mais qui a surtout été le grand ordonnateur des négociations en coulisses. "Jean-Yves Le Drian et ses équipes ont vraiment mené ce combat pour exporter le Rafale", s'est réjoui Eric Trappier, le PDG de Dassault Aviation, vendredi sur Europe 1, saluant "une véritable équipe de France qui est à l'œuvre". Après l'Egypte et l'Inde, ce troisième contrat vient couronner un bilan qui se résume à un chiffre éloquent : 84 Rafale vendus en trois mois. De quoi renforcer encore la stature d'un ministre qui, depuis 2012, est devenu indispensable à François Hollande.
A l'œuvre sur plusieurs fronts. Car le rôle de Jean-Yves Le Drian ne se limite pas à jouer les VRP de luxe pour l'industrie française de l'armement. A plusieurs reprises depuis le début du quinquennat, le locataire de l'hôtel de Brienne a dû monter en première ligne. D'abord pour retirer les troupes françaises d'Afghanistan, promesse de campagne de François Hollande en 2012. Puis lors des interventions militaires ordonnées par le président : au Mali en janvier 2013, puis en Centrafrique en décembre de la même année. Enfin, depuis les attentats de janvier et le déploiement de 7.000 soldats pour protéger les lieux sensibles du territoire français, le ministre de la Défense doit gérer un nouveau front au quotidien.
Une connaissance irréprochable des dossiers, une présence régulière auprès des hommes sur le terrain, une communication discrète mais soignée : voici les ingrédients de la recette Le Drian. Même si les crises à déminer sont nombreuses. Dernière en date : les soupçons de viols sur enfants visant des soldats français en Centrafrique. "Si d'aventure un seul d'entre eux a commis de tels actes, qu'il se dénonce immédiatement", a tonné le ministre, dimanche dans le JDD.
La semaine avait mieux commencé pour Jean-Yves Le Drian. Il avait de nouveau démontré son poids au sein de l'exécutif en remportant mercredi l'arbitrage de François Hollande en faveur d'une rallonge du budget de la Défense, initialement sacrifié sur l'autel de la réduction des déficits. 3,8 milliards d'euros supplémentaires seront débloqués d'ici à 2019. L'enjeu est sécuritaire, mais aussi politique. Le chef de l'Etat sait le bénéfice d'image qu'il tire en se posant en protecteur de la Nation. "La sécurité, la protection, l'indépendance sont des principes qui ne se négocient pas", a-t-il encore martelé mercredi dernier.
Un fidèle "hollandais". Pour mettre en œuvre ces principes, François Hollande peut compter sur celui qui est l'un de ses fidèles de longue date. Les deux hommes se sont rencontrés au début du premier septennat Mitterrand, alors que le futur président était conseiller à l'Elysée. Le début d'une amitié durable, qui a conduit Le Drian à être un proche témoin du parcours politique de Hollande, comme de sa vie privée. Ainsi, c'est lui qui a joué les pacificateurs lors de la séparation avec Ségolène Royal, raconte Le Point. Jean-Yves Le Drian a pourtant eu des tentations. En 2007, Nicolas Sarkozy tente de le débaucher au nom de "l'ouverture" et lui propose la Défense. Le Breton refuse. Bonne pioche : cinq ans plus tard, son ami Hollande parvient à l'Elysée et lui confie ce même poste qu'il convoitait.
Retour gagnant en Bretagne ? Il n'est toutefois pas certain que Jean-Yves Le Drian reste encore longtemps en poste. Pas à cause de son âge - à 67 ans, il parcourt aussi bien le globe en avion que la lande bretonne à vélo. Mais parce que les élections régionales de décembre se dessinent à l'horizon. Or, celui qui a présidé la Bretagne de 2004 à 2012 apparaît comme le candidat indispensable pour conserver cette région dans le giron de la gauche. Pour Hollande, le dilemme est de taille. Le Drian est à la fois l'un des meilleurs élèves de son gouvernement et l'un des rares capables de limiter les dégâts au scrutin régional. Pour l'instant, le ministre balaie la question d'un revers de la main. "Je reste mobilisé à 100% par la mission de ministre de la Défense", déclare-t-il au JDD. "La question de la Bretagne viendra en son temps". Un nouveau front en perspective.
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