Un groupe pour peser. Après être arrivé premier aux élections européennes dimanche en France, un autre défi attend désormais le Front national : constituer un groupe politique européen pour espérer peser davantage au Parlement. Depuis des mois, Marine Le Pen a multiplié les discussions avec de nombreux partis d’extrême droite en Europe et s'est déclarée prête à présider ce groupe d'europhobes, ayant vocation à constituer une minorité de blocage des anti-UE à Strasbourg et à Bruxelles. Avec 24 élus sur les 25 nécessaires, la présidente du FN pourrait presque à elle seule constituer son groupe, s'il ne fallait pas trouver des alliés dans sept pays différents. Et là, la partie est loin d'être gagnée.
Chercher des alliances. Le FN peut aujourd'hui compter sur plusieurs alliés : la Lega Nord (Ligue du Nord, Italie), le FPÖ (Parti de la liberté, Autriche), les Belges du Vlaams Belang et le PVV (parti pour la liberté, Pays-Bas). Mais dans la bataille en coulisses qui se dessine, Marine Le Pen ne pourra compter que modérément sur ce dernier allié, son plus fidèle. Le leader néerlandais Geert Wilders a subi un échec cuisant en arrivant seulement troisième aux Pays-Bas.
Deux leaders pour un groupe. Le problème pour Marine Le Pen, c'est qu'elle n'est pas la seule à vouloir constituer – et présider ce groupe europhobe. La présidente du FN serra face à Nigel Farage, le chef du Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP). Le leader des europhobes anglais, à la tête du groupe Europe libertés démocratie lors de la dernière mandature du Parlement européen, n'entend pas laisser le leadership à la présidente du FN. Le patron de l'UKIP a en outre toujours refusé la main tendue de Marine Le Pen, considérant que "l'antisémitisme est dans l'ADN du Front national". La question est donc de savoir qui, de Marine Le Pen ou de Nigel Farage, arrivera le plus à fédérer pour constituer un groupe. Sachant qu'il est très peu probable que deux groupes europhobes cohabitent au Parlement européen.
Ce qui est exclu. Même si elle doit renoncer à avoir son groupe, Marine Le Pen a d'ores et déjà exclu toute alliance avec le parti grec d'inspiration néonazie Aube Dorée et le Jobbik hongrois, jugés trop "infréquentables". Il est par ailleurs très improbable que la présidente du FN approche l'eurodéputé néonazi élu dimanche en Allemagne.
Mais un groupe, ça sert vraiment ? "Oui, ça change beaucoup de choses", assure à Europe1.fr l'eurodéputé sortant Bruno Gollnisch, qui s'agace de l'amateurisme qu'on prête au FN. " En 1984, Jean-Marie-Le Pen présidait le groupe des droites européennes et en 2007, j'ai dirigé aussi un groupe Identité, tradition, souveraineté", rappelle t-il. Or, avoir un groupe parlementaire, c'est à la fois des moyens financiers (près de trois millions d'euros par an) et une possibilité de se faire entendre politiquement. "On a beaucoup reproché à Jean-Marie Le Pen ou Marine Le Pen leur soi-disant manque d'assiduité. Mais quand vous n'avez pas de groupe, votre travail législatif est très limité", poursuit l'ex-lieutenant de Jean-Marie Le Pen. Impossible, par exemple, de déposer des amendements. "Plus on sera nombreux, plus on se fera entendre sur un certain nombre de sujets dans notre rôle d'opposants", insiste Bruno Gollnisch.
Des dossiers prioritaires. "Nous bataillerons sur tous les textes", prévient le vice-président du FN Louis Aliot, élu député européen dans le Sud-Ouest. Sans surprise, le parti d'extrême droite, qui veut revenir aux frontières nationales et sortir de l'espace Schengen, sera très attentif aux politiques migratoires. L'autre grand cheval de bataille, "c'est le traité de libre échange" négocié en ce moment entre les Etats-Unis et l'Union européenne, ajoute le vice-président du Front national Florian Philippot, arrivé en tête dans l'Est, qui promet de "s'investir" dans ses nouvelles fonctions d'eurodéputé. Pour devancer toute critique sur un manque d'assiduité, les eurodéputés frontistes vont-ils être fliqués par le parti ? "Pour l'instant, il n'y a pas de consignes en ce sens", assure Louis Aliot.
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