"Madame Le Pen parle comme un tract du Parti communiste des années 1970". Voici la phrase qui a mis le feu aux poudres. Prononcée par François Hollande lors de l'émission Le Supplément de Canal+, elle a suscité l'ire des responsables du Front de gauche.
"Une lâcheté intellectuelle". Lundi, le numéro un communiste Pierre Laurent a ainsi demandé "des excuses publiques" à François Hollande. "Je suis scandalisé", par cette phrase "lamentable" a déclaré sur France 2 le secrétaire national du PCF. "Nous, nous n'avons pas renoncé", a-t-il ajouté. "Le Parti communistes des années 70 comme celui des années 2000 continue le combat contre la finance", même si "nous avons changé beaucoup de choses" depuis ce temps, a martelé Pierre Laurent.
Jean-Luc Mélenchon a également pilonné une phrase d'une "totale bassesse et indigence", indigne "d'un président élu aussi par les communistes"."Sa faute est double. À l'égard des militantes et militants communistes. Mais c'est aussi une lâcheté intellectuelle face au FN d'aujourd'hui", a encore dénoncé Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF, jugeant cette sortie "navrante" et "pas à la hauteur".
>> Sur Twitter, certains se sont amusés à ressortir des tracts communistes des années 70, lorsque le PCF était allié avec… Le PS :
Et ça, c'est un tract du Parti socialiste des années 70 #PierreLaurent#PCFpic.twitter.com/iuPvUqqt38— Thomas Vampouille (@tomvampouille) 20 Avril 2015
il est temps que le pcf arrete de parler comme un tract des années 70 ,non?@IanBrossatpic.twitter.com/0HLIiTbn9w— mctamtam (@tamtambulles) 20 Avril 2015
Tract du PCF des années 70, retrouvé par @Le__Comptoir : petit souvenir pour F. Hollande... http://t.co/Lnw7msTVfWpic.twitter.com/hycSZZIvkm— PG Paris 16-17 (@PGParis1617) 20 Avril 2015
Les anciens ministres communistes de François Mitterrand se sentent d'ailleurs eux aussi "insultés" par le chef de l'Etat. "Nous tenons à dire notre incompréhension et notre indignation", écrivent, dans une déclaration commune transmise lundi à l'AFP Charles Fiterman, Anicet Le Pors et Jack Ralite. "Appartenant à l'époque au Parti communiste, nous nous sentons insultés. Car rien ne peut justifier une comparaison aussi odieuse qu'absurde", écrivent les trois responsables.
Au PS aussi, certains s'indignent. "Je ne sais pas si je demanderai des excuses, la formule est un peu forte. Mais j'ai été troublé par cette comparaison", a également réagi le député PS Laurent Baumel, au micro d'Europe 1. "J'ai été enfant, adolescent, dans les années 70. Et le souvenir que j'en ai c'est plutôt celui des militants communistes qui distribuaient des programmes communs, ceux qui ont contribué à la victoire de François Mitterrand en 81. C'est vrai que j'aurai aimé que François Hollande soit dépositaire de cette histoire là", a fait savoir le frondeur socialiste. "Ce n'est pas une bonne manière de répondre au désarroi des électeurs déçus qui se tournent vers le FN. Ce n'est pas comme ça que l'on rassemblera la gauche. Je ne crois pas qu'il soit très adroit de stigmatiser l'un de nos partenaires principaux", renchérit-il.
Ce qu'a vraiment dit François Hollande. Le chef de l'Etat répondait à une remarque de Maïtena Biraben sur le plateau du Supplément. "Certains considèrent Marine Le Pen comme étant plus à gauche qu'Emmanuel Macron", avait souligné la présentatrice, après la diffusion d'un reportage montrant des électeurs PS ayant "basculé" au FN. Réponse, complète, du président de la République :
"C'est là où est la mystification, l'illusion : quand Madame Le Pen parle comme un tract du Parti communiste des années 70. C'est ça, en réalité, en pensant que l'on peut fermer les frontières, nationaliser les industries, sortir un certain nombre de capitaux du pays sans qu'il y ait de risque. Lorsqu'elle parle comme le Parti communiste, ça parle dans cette région là. Ca a été une région, encore aujourd'hui, influencée par le Parti communiste. Sauf que le Parti communiste, il ne demandait pas qu'on chasse les étrangers, qu'on fasse la chasse aux pauvres, car même les pauvres finissent par penser qu'il y a encore des plus pauvres qu'eux qui leur prennent le peu qu'ils ont. Le Parti communiste avait encore un certain nombre de principes. Là, en l'occurrence, Madame Le Pen, parle comme le PCF des années 70, aves les mêmes références que son père, quand il s'agit de montrer l'étranger, l'Europe, le monde".
>> Revoir la vidéo (à regarder à partir de 68'30) :
"Il y a une analogie". Interrogé lundi sur RMC et BFMTV, le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll a repoussé l'idée d'excuses publiques et assuré qu'il n'y avait "pas d'amalgame". François Hollande "a bien fait la différence entre ce qu'était le tract sur les nationalisations, la fermeture des frontières et contre l'Europe, et ce qui est la nature du Front national qui va sur d'autres terrains et en particulier celui de l'immigration, ce qui n'est pas du tout et n'a jamais été la position du Parti communiste", a-t-il dit. "Mais il y a une analogie sur des terres et des zones anciennement communistes et qui votent aujourd'hui Front national", a encore observé Stéphane Le Foll.
Ce n'est pas la première fois, d'ailleurs, que la politique, en tout cas la politique économique, de Marine Le Pen est comparée à une politique de gauche. "Marine Le Pen fait une erreur d'analyse en faisant une campagne d'extrême-gauche", avait par exemple taclé Nicolas Sarkozy, lors de la campagne présidentielle de 2012, en réaction aux mesures prônées par sa concurrente (combattre la mondialisation, augmenter les bas salaires de 200 euros, rétablir la retraite à 60 ans etc.). Plus récemment, en février 2014, lors des tractations pour former des groupes au Parlement européen, Nigel Farage, leader des souverainistes britanniques, avait aussi refusé de s'allier à Marine Le Pen, qu'il avait accusé d'embrasser une ligne "hard left", de gauche dure.