Pour les sondages, l'affaire est entendue. Le Front national sera le grand vainqueur des élections départementales de la fin mars. Il pourrait même rassembler 33% des suffrages au premier tour, à en croire une étude Odoxa publiée lundi par Le Parisien. La semaine dernière, un sondage Ifop pour Le Figaro donnait déjà le FN en tête, avec 30% des intentions de vote. Même si, dans la dernière enquête réalisée par l'institut pour le JDD dimanche, le score annoncé est plus serré : 29% pour le FN, à égalité avec l'alliance UMP-UDI.
"Premier parti de France", mais pas localement. Les sondages se suivent et se ressemblent, mais reflètent-ils vraiment la réalité du scrutin ? Certes, le parti de Marine Le Pen pourrait rééditer sa performance des élections européennes de mai 2014, en réunissant le plus de voix sur son étiquette au niveau national. Un résultat qui lui avait permis de se proclamer "premier parti de France". Mais les hiérarques du FN le reconnaissent eux-mêmes : ils ne s'attendent pas à un raz-de-marée dans les exécutifs locaux.
On vote dans 98 départements, mais en conquérir ne serait-ce qu'un seul, "ce serait une prouesse", reconnaît l'eurodéputé Nicolas Bay, secrétaire national du FN. "Vu d'où nous partons, la victoire dans un ou plusieurs départements serait vraiment la cerise sur le gâteau", renchérit Florian Philippot, le numéro 2 du parti, interrogé par Europe 1.
Un ou deux départements espérés. Officiellement, le FN ne se risque d'ailleurs à aucun pronostic. Seule Marion Maréchal-Le Pen a déclaré compter sur "une petite centaine" d'élus, "au minimum". En privé, les frontistes se prennent à rêver d'une conquête symbolique. "Le Vaucluse apparaît comme le département le plus gagnable", confie un cadre. "Dans l'Aisne aussi, nous avons de bonnes chances". Un ou deux départements, c'est peu comparé à la vingtaine qu'espèrent conquérir l'UMP et l'UDI... qui pourraient pourtant rassembler moins de suffrages que le FN.
Le FN, vainqueur annoncé nationalement mais pas localement : ce paradoxe montre que les sondages sont à prendre avec des pincettes. "Il faut être assez prudent sur l'interprétation de ces calculs nationaux, réalisés sur des étiquettes. Ils n'intègrent pas toute la réalité de l'offre politique locale", explique Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion publique de l'Ifop, contacté par Europe 1. Exemple : un candidat divers droite non étiqueté UMP ou UDI peut ne pas être comptabilisé dans un sondage national, alors qu'il s'entendra avec ces partis s'il est élu.
Un mode de scrutin pénalisant pour le FN. Le FN est aussi pénalisé par le mode de scrutin. Pour contrôler un département, il faut l'emporter dans la majorité des cantons qui le constituent. "Quelques dizaines de cantons vont peut-être passer au FN, mais seront-ils suffisamment regroupés géographiquement ?", s'interroge Jérôme Fourquet, qui prend un exemple : "l'Aisne est donné comme l'une des meilleures chances du FN. Mais ce département compte 21 cantons, ce qui veut dire qu'il faut s'imposer dans au moins onze d'entre eux pour l'emporter". Compliqué, car dans de nombreux cantons, le FN devrait se retrouver au second tour face à l'UMP-UDI, qui peut bénéficier des reports de voix d'une gauche éliminée.
Il n'empêche : "que le FN soit premier ou deuxième dans l'ordre d'arrivée, s'il fait 29%, c'est déjà énorme", affirme Jérôme Fourquet. Et chez les frontistes, on assure que les futurs élus FN ne seront pas des pots de fleurs. "Nous pourrons peser dans les assemblées départementales, faire savoir aux Français ce qui s'y trame, et faire des propositions sur le grand âge ou la baisse des impôts", veut croire Florian Philippot, qui parle d'"un ancrage patriote utile pour le local et facilitateur de victoires nationales d'ici 2017". Plus qu'aux départements, le FN pense surtout à l'Elysée.
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