Depuis dimanche soir, les 18% de Marine Le Pen sont dans tous les esprits et les deux finalistes ne regardent que dans une seule direction : le Front national. François Hollande et Nicolas Sarkozy ont chacun leur stratégie, mais le même but : ramener dans leur giron les 6 millions d’électeurs qui ont choisi la candidate FN au premier tour.
Sarkozy multiplie les appels du pied
Pour le président-candidat, une réélection n’est possible qu’à condition de séduire en masse les électeurs frontistes du premier tour. Nicolas Sarkozy multiplie donc les clins d'oeil sur sa droite, quitte à faire grincer des dents au centre.
Le candidat de l’UMP s’est toutefois fixé une limite : il n'y aura "pas d'accord" avec le Front national et "pas de ministres" FN dans son futur gouvernement s'il est réélu. Pour le reste, Nicolas Sarkozy le martèle : il ne "diabolisera pas des hommes et des femmes qui, en votant pour Marine Le Pen, ont exprimé un vote de crise". Bien au contraire, "je dois les écouter", prévient-il. Nicolas Sarkozy se plaît le répéter à chacune de ses interventions publiques : "il ne faut se boucher le nez".
Les électeurs frontistes, le président sortant va d’ailleurs les chercher avec les dents. Il a tenu mercredi un meeting dans le Haut-Rhin, à Cernay, où Marine Le Pen a obtenu plus de 23% des voix.
Nicolas Sarkozy pousse-t-il la drague trop loin ? L’opposition et François Bayrou ne sont pas les seuls à le penser. Le quotidien Libération, classé à gauche, a provoqué l’ire du parti majoritaire en affichant mercredi, en Une, une photo en noir et blanc du président-candidat avec la citation: "Le Pen est compatible avec la République", Nicolas Sarkozy, 24 avril 2012. Sur Twitter, Jean-François Copé a dénoncé une "tentative grossière, malhonnête et inacceptable de désinformation du journal Libération". Pourtant, une vidéo mise en ligne sur le site du quotidien confirme les dires du candidat UMP.
Dans son édition de jeudi, Le Monde signe de son côté un édito cinglant intitulé : "La fin ne justifie pas les moyens". Nicolas Sarkozy "a désormais adopté le langage, la rhétorique et, partant, les idées, ou plutôt les obsessions, de Madame Le Pen. Ainsi de cette façon d’attiser les peurs de la société française plutôt que de tenter de les apaiser", écrit le quotidien, qui pointe du doigt "une faute politique".
L’angle social pour Hollande
Désireux lui aussi de s'adresser aux électeurs frontistes, François Hollande a, lui, plutôt choisi l'angle social. "C'est ma responsabilité de m'adresser tout de suite à ces électeurs qui n'adhèrent pas forcément aux idées du FN, l'obsession de l'immigration en particulier, mais qui expriment, avant tout, une colère sociale", affirme le candidat socialiste dans une interview publiée mardi dans Libération. Réagissant à la cessation de paiement de Neo Sécurité, François Hollande a d’ailleurs promis mercredi de ne pas laisser faire un "cortège de plans sociaux" qui serait en préparation et dont l'annonce serait différée à l'après-présidentielle.
Autre carte dans la main du candidat socialiste : Ségolène Royal. "Ceux qui s'inquiètent des flux de clandestins ne sont pas des racistes". Dans une interview au Monde jeudi, l’ex-candidate du PS en 2007 affirme qu'il ne faut "ni cajoler", "ni dénigrer", ni "insulter" les électeurs du FN, "tout en combattant le poison de ces idées".
Mais la promesse du candidat PS d'instaurer le droit de vote des étrangers aux municipales pourrait le freiner dans sa stratégie. L’UMP l’a bien compris. François Hollande "vise le vote communautaire" relève le secrétaire d'Etat UMP Frédéric Lefebvre, emboîtant le pas de nombre des ses collègues. Le président-candidat et son camp pensent donc tenir ici l'arme fatale pour faire déjouer les pronostics de victoire de François Hollande. Celui-ci a d’ailleurs bien confirmé mercredi que cette réforme serait bel et bien menée, mais pas avant les municipales de 2014. Cette réforme n’est "pas une priorité", avait déjà pris le soin d’indiquer avant lui Ségolène Royal.