Rebelote. Un mois après la présidentielle, où il était arrivé derrière Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon a échoué à se qualifier pour le second tour des législatives, avec 21,5% des voix, contre 23,5% pour son adversaire socialiste Philippe Kemel, et, surtout, 42% pour la candidate du Front national. Il est dit qu'en 2012, le candidat du Front de gauche ne battra pas sa rivale du FN.
Jean-Luc Mélenchon a reconnu sa défaite dès 21heures. "Malheureusement, ça ne suffira pas, notre concurrent à gauche, quoiqu'il ait perdu 8.000 voix et 5 points, reste devant nous, la loi est ainsi faite, il sera au deuxième tour et non pas moi", a-t-il déclaré d’une voix calme et triste. "Ce soir, c'est le cœur paisible que je vais quitter cette scène, mais pas le département", a-t-il ajouté, sans appeler explicitement à voter pour le candidat PS.
Marine Le Pen a, elle, remercié les électeurs d’Hénin-Beaumont, et "fait un petit coucou aux sondeurs qui l’ont sous estimé de 10% dans leurs estimations". "L’échec de Jean-Luc Mélenchon démontre qu’il s’est déconnecté de l’électorat populaire, et que cette circonscription pourtant de gauche n’a pas adhéré à sa campagne brutale, bobo et méprisante", a-t-elle taclé, sous les "mais il est où le Mélenchon" de ses partisans.
"Marine Le Pen a vampirisé la droite", a commenté le candidat du Front de gauche. La défaite est un véritable coup dur pour lui, qui était venu en ces terres pour "mener une grande discussion avec Marine le Pen" et "faire comprendre que le problème est le banquier, et non l’immigré", selon ses propos du début de campagne.
La bataille d’Hénin-Beaumont entre ces deux mastodontes politiques a été sans conteste la plus médiatisée de ces législatives. Il faut dire que les leaders des deux Fronts n’y sont pas allés avec le dos de la cuillère.
Marine le Pen avait par exemple vilipendé, lors d’une réunion publiqu,e un "hurluberlu d'extrême gauche", un homme au "visage hideux et dangereux", qui "vomit la démocratie" et se classe "proche des Moudjahidines du peuple, une espèce de secte politico-religieuse iranienne considérée comme une organisation terroriste tant par l'UE que par les États-Unis."
Tracts, séquestration et expulsion
Jean-Luc Mélenchon a quant à lui qualifié en rafale son adversaire de "fasciste", ou encore de "chauve-souris", estimant qu'elle usait de "méthodes politiques absolument pourries" qui "contrastent avec les gens si chaleureux d'Hénin-Beaumon"t.
Mais le duel entre les deux partis ne s’est pas joué que sur les mots. Fin mai, la diffusion d’un faux tract de Jean-Luc Mélenchon réalisé par le FN avait électrisé Hénin-Beaumont. Celui-ci reproduisait une photo de Jean-Luc Mélenchon et une citation extraite d'un de ses discours tenu à Marseille le 14 avril, disant : "il n'y a pas d'avenir pour la France sans les Arabes et les Berbères du Maghreb", avec écrit "votons Mélenchon" en Français, et en arabe, juste en dessous. Résultat, des militants du Front de gauche en sont venus aux mains avec d’autres du FN et deux plaintes ont été déposées : une pour séquestration par le FN, une pour des faits d'infraction au code électoral par le FG.
Et il y a trois jours, un nouveau tract, non revendiqué par le FN, est ensuite revenu mettre le feu aux poudres, montrant Jean-Luc Mélenchon avec une moustache d’Hitler. On y voyait Jean-Luc Mélenchon, sur un fond vert et blanc, rappelant les couleurs de l'islam.
Kemel, coincé entre deux Fronts
Les tensions se sont poursuivies jusqu’à dimanche, où un assesseur du FN a été mis à la porte d’un bureau de vote par un maire communiste d’une commune de la circonscription.
Mais malgré cette bataille sous les yeux des caméras, c'est le socialiste Philippe Kemel qui se fraye donc entre les deux Fronts une place au second tour. "Je leur oppose ce que je suis, ce que je sais faire, rencontrer les habitants, les écouter", décrivait fin mai celui qui est maire de Carvin, deuxième ville du territoire derrière Hénin-Beaumont, et désormais finaliste de ces législatives. "Ce nouveau round de l’élection présidentielle occulte le véritable scrutin et vient sur le fond voler aux citoyens leur élection", regrettait-il, dénonçant des candidats de "plateaux de cinéma. Leurs équipes sont des metteurs en scène."
Selon un récent sondage, le socialiste, inconnu sur le plan national mais très présent localement, battrait Marine le Pen avec 57% des voix contre 43%. Il était déjà donné gagnant face à elle au début de la campagne, avec 56 contre 54% des suffrages selon un sondage Ifop-Fiducial pour le JDD.