Le contexte. Deux ans après le déclenchement de la contestation en Syrie, la France et la Grande-Bretagne ont demandé à l’Union européenne une levée rapide de l'embargo qui frappe la Syrie afin de pouvoir livrer des armes aux rebelles de l'armée syrienne libre. François Hollande l'a confirmé vendredi."Des armes sont livrées par des pays, dont la Russie, à Bachar al-Assad et son régime. Nous devons en tirer toutes les conclusions et l'Europe doit prendre sa décision dans les prochaines semaines", a-t-il déclaré à la presse à l'issue du sommet européen, à Bruxelles. Si le président fait preuve de volontarisme, l'opposition s'interroge sur le bien fondé de sa décision.
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Ceux qui sont contre. Les dossiers internationaux, Claude Guéant connaît. L’ancien secrétaire général de l’Elysée, très actif aux côtés de Nicolas Sarkozy au moment de la guerre en Libye, est "extrêmement réservé" sur la prise de position de François Hollande. La suite de son argumentation ne laisse pourtant pas de place au doute quant à son avis véritable : la situation en Syrie, "c'est une horreur totale. Mais si nous livrons des armes, il y aura encore plus de morts. Mes considérations sont strictement humanitaires", a-t-il assuré vendredi matin sur BFMTV - RMC. Et de pointer du doigt le risque que ces armes tombent dans de mauvaises mains et, qu’un jour, "un avion français [soit] abattu avec une arme qu'on aurait livrée."
Michèle Alliot-Marie ne le contredira pas. Sur France Info, l’ancienne ministre des Affaires étrangères a estimé que "le problème n'est pas tellement d'armer la rébellion syrienne. Le problème, c'est de savoir ce qu'il va se passer après, comment ces armes peuvent ou ne peuvent pas se retourner contre nous à un moment ou un autre." Et de citer l’exemple malien, où "nous avons eu des forces françaises confrontées à des armements français ou européens."
Pour le centriste Hervé Morin, sur LCP, "c’est une politique hasardeuse car déchirer le contrat européen en disant que la France est souveraine, c’est ne pas respecter la communauté de destins dans laquelle on est." "C’est une folie car la Syrie, c’est l’anti-Mali", a enchaîné le vice-président du Front national Florian Philippot sur France 2.
Ceux qui sont pour. Un autre ancien ministre Affaires étrangères a une vision diamétralement opposée. Sur son blog, Alain Juppé s’est en effet dit d’accord, vendredi, avec la position prise par la France. Si, comme ses collègues de l’UMP, il a un temps craint que ces armes ne se retournent contre la France, il considère désormais que la France et la Grande-Bretagne "ont raison et que nous nous déshonorerions en laissant les avions de Bachar-el-Assad poursuivre les bombardements contre une résistance qui n’a pas les moyens de se défendre." Et de conclure : "si nous n’arrivons pas à entraîner nos partenaires européens sur cette voie, il nous reviendra de prendre l’initiative".
L'ancien ministre des Affaires étrangères a fait valoir son point de vue samedi matin sur Europe 1. "Si nous ne faisons rien, que se passe-t-il ? La plus abominable tragédie, qui a déjà abouti à plus de 70.000 morts à plus d'un millions de réfugiés va se poursuivre", a-t-il rappelé. "Est-ce qu'on continue à laisser se perpétrer ce massacre ? C'est ça, la question qu'il faut se poser", a poursuivi Alain Juppé.
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Ceux qui hésitent. Invité vendredi matin d’Europe 1, François Bayrou a appelé à "la prudence et la réflexion". Lui aussi inquiet du sort réservé aux armes potentiellement livrées, le président du MoDem considère "le fait que la France s'engage ainsi - et que les autres pays européens, en dehors de la Grande-Bretagne, disent 'attention' -, il y a là un risque très important (qui) doit nous amener à réfléchir beaucoup plus".
Christian Jacob a un avis moins tranché que ses collègues. Pour le chef de file des députés UMP à l’Assemblée nationale, interrogé vendredi par RTL, "il convient d'être très prudents sur ce sujet. Cela ne peut se faire que dans un cadre de partage de décision avec l'Union européenne".
Le sénateur UMP et ancien ministre de la Défense, Gérard Longuet juge quant à lui dans un communiqué que "pour être fortes et utiles, les armes de la France doivent être au service d'un projet politique clair, soutenu en Syrie par une coalition internationale solide et appuyée par les Nations Unies". Pour lui, "sans ce triptyque, obtenu par Nicolas Sarkozy en Libye, les armes supplémentaires sur le théâtre ne trancheront rien parce que d'autres viendront pour y répondre".