Jean-Marc Ayrault prononce son grand oral mardi. Tradition républicaine oblige, le Premier ministre va tenir devant les 577 députés fraîchement élus de l'Assemblée son discours de politique générale. Encore peu connu du grand public il y a quelques mois, le chef du gouvernement va solliciter la confiance des détenteurs du pouvoir législatif. Une manière pour lui d'assoir sa légitimité, à l'heure où le gouvernement s'apprête à mettre en place une politique de rigueur.
Que contiendra le discours du chef du gouvernement ? Jean-Marc Ayrault va devoir préciser comment seront tenus les engagements de campagne de François Hollande. Y aura-t-il des propositions nouvelles ? "Je ne vais pas révéler aux Français un nouveau programme", car "ma feuille de route c'est le projet de François Hollande précis, travaillé, chiffré. C'est le réalisme de gauche", a répondu Jean-Marc Ayrault dimanche au JDD.
Ce discours va plutôt donner l'occasion au chef du gouvernement de "préciser le calendrier et la méthode pour que les engagements soient tenus", indique-t-on à Matignon.
Le chef du gouvernement y travaille depuis plusieurs semaines et a sondé ministres et conseillers. Au final, "c'est un travail du Premier ministre, entouré d'une petite équipe qui a rassemblé tous les éléments", explique-t-on à Matignon.
Outre les 60 engagements de François Hollande, la méthode, et le calendrier de leur mise en place, le Premier ministre sera toutefois bien obligé de tenir compte de la situation budgétaire critique de la France, dans son discours. Situation pire que ne l'avait prévu le candidat socialiste à la présidentielle : il reste 39 à 43 milliards d’euros à trouver d’ici fin 2013 (le programme de François Hollande tablait sur environ 30 milliards) et la croissance est plus faible que prévue. Pour convaincre l'Assemblée de la nécessité des efforts, le chef du gouvernement pourra s'appuyer sur le rapport de la Cour des comptes publié lundi.
Quelle tonalité devrait prendre ce discours ? "Il y aura de la gravité, au sens où il parlera des sujets qui intéressent les Français, mais il n'est pas question de porter le deuil ou de ne donner aucune perspective", tempère-t-on dans l'entourage du chef du gouvernement. "L'idée est de donner confiance aux Français sur le fait que le cap du redressement fixé et les engagements de la campagne sont tenables et seront tenus, qu'il s'agisse du redressement productif, éducatif ou de la transition énergétique".
Les mesures précises devraient toutefois être annoncées mercredi, lors du Conseil des ministres, où se fignolera la loi de Finances rectificatives de 2012.
Sous quelle forme Jean-Marc Ayrault va-t-il discourir ? Dès 15h et pendant environ 1h, le Premier ministre livrera les grands axes des réformes du quinquennat. Il s'exprimera du perchoir, soit juste en face des 577 députés.
Juste après le discours, le ministre engagera sa responsabilité devant les élus. Cette pratique, couramment nommée "question de confiance", est prévue par l'article 49, alinéa 1 de la Constitution. Si les élus désapprouvent, la Constitution exige du Premier ministre qu'il présente la démission de son gouvernement au président de la République.
Comme le veut la tradition, le discours de Jean-Marc Ayrault sera lu simultanément au Sénat par le numéro 2 du gouvernement, le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius. Jean-Marc Ayrault Ayrault prononcera une nouvelle fois son discours mercredi devant les sénateurs, mais sans vote à son issue.
Risque-t-il d'être désavoué par l'Assemblée ? Jean-Marc Ayrault est d'ores et déjà assuré de la confiance des députés, puisque le groupe socialiste, républicain et citoyen dispose à lui seul de la majorité absolue, fixée à 289 voix.
Malgré les quelques accrocs récents PS-EELV, sur le projet de réacteur Astrid ou encore les forages en Guyane, le groupe écologiste votera "sans aucune ambiguïté" la confiance.
Le soutien des députés du Front de gauche (groupe GDR) est plus aléatoire. Jean-Luc Mélenchon a fait savoir qu'il se serait abstenu s'il avait été élu député.
Quels enjeux pour Jean-Marc Ayrault ? "C'est une semaine très importante pour lui. Il va endosser la fonction de façon visible, médiatique, avec un discours par définition très impliquant", analyse François Miquet-Marty, de l'institut Viavoice. "Il entre de plain-pied dans des enjeux de politique et d'opinion". "Le Premier ministre a parfaitement conscience qu'on va l'écouter et l'observer", ajoute un proche. "Jusqu'ici, les Français savaient qui c'était, mais pas vraiment qui il est".
De fait, "beaucoup de gens, 20% environ, ne le connaissent pas", décrypte François Miquet-Marty. "Au-delà des désenchantements possibles, leur appréciation comptera : le trouveront-ils compétent, efficace, à la hauteur de la fonction ?"
Le Premier ministre bénéficie pour le moment d'un niveau de popularité confortable - 69% selon un sondage BVA publié mardi, 49% dans une autre enquête CSA, qui le donne toutefois en baisse de sept points.