Le maire de Grigny à Hollande : "et les moyens, alors ?"

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Louis Hausalter
3 QUESTIONS À - Réagissant à la conférence de presse du président de la République, Philippe Rio déplore le manque d'engagement de l'Etat envers les collectivités.

Depuis les attentats de janvier, Grigny, en Essonne, est sous la lumière médiatique. D'abord parce que c'est la ville où a grandi le terroriste Amedy Coulibaly. Mais aussi parce que le député socialiste Malek Boutih a mis en cause la "corruption" qui y serait à l'œuvre, parlant d'un territoire qui "échappe à l'ordre républicain". Après la conférence de presse de François Hollande, le maire communiste de Grigny, Philippe Rio, réagit pour Europe 1 aux déclarations du chef de l'Etat.

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Vous avez été reçu à l'Elysée il y a une semaine avec d'autres élus de banlieue. Pensez-vous avoir été écouté ?

Je retiens des choses positives de cette conférence de presse, mais aussi des insuffisances et des oublis. Sur la politique de peuplement, le message a été reçu. Nos propos sur la solidarité, la rénovation urbaine, la responsabilité des bailleurs sociaux ont été retransmis textuellement. Rien de bien nouveau n'a été dit sur l'école, c'est essentiellement le plan déjà dévoilé le 22 janvier. Sur l'accompagnement des associations, j'appelle à la vigilance. Le Collectif des associations citoyennes a signalé qu'un grand plan social se préparait : si rien n'est fait, 200.000 emplois associatifs vont être supprimés dans les années à venir.

Je constate aussi que le président a mis de côté la question de l'apartheid, même si j'attends le comité interministériel sur la mixité sociale annoncé pour mars. En 1995, on a eu la "fracture sociale" de Chirac. En 2005, on a eu des émeutes sociales. En 2015, on a un apartheid social. Depuis vingt ans, la situation s'aggrave en France. Nous sommes condamnés à ce que la République sociale fonctionne enfin en 2025.

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Les élus demandaient une meilleure prise en charge des jeunes en difficulté. L'extension du service civique va-t-elle dans le bon sens ?

On reste dans la boîte à outils. On ne peut pas répondre à la situation vécue par de nombreuses personnes avec un service civique ou du bénévolat. Sur l'école, je n'ai pas grand-chose à dire sur les annonces faites ou refaites. Mais j'attire votre attention sur un chiffre donné par la Cour des comptes en 2012 : l'Education nationale consacre 47% de moyens de plus à un collégien parisien qu'à un collégien de l'académie de Versailles, dont nous dépendons.

La question des moyens semble cruciale pour vous…

Ce n'est pas uniquement un problème de moyens, mais des inégalités aussi flagrantes ne sont pas normales. Le président de la République a complètement oublié le sujet de la dotation aux collectivités territoriales. La dotation globale de fonctionnement pour Paris est de 534 euros par habitant. A Grigny, c'est 233 euros.

Le président a dit que "l'austérité ne peut pas être un horizon, ni pour les Grecs, ni pour les Européens". Or, il est prévu de retirer 28 milliards d'euros aux collectivités territoriales ces trois prochaines années. Ramener la République dans les quartiers populaires est incompatible avec cette austérité. Chez nous, la liberté et la fraternité, ce n'est pas un problème. Ce qui manque cruellement, c'est l'égalité. Et ça passe par des moyens.

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