On entend peu le Front national, pourtant par ailleurs très prolixe actuellement, sur le non-cumul des mandats. Alors que le projet de loi est actuellement discuté par les sénateurs, le parti de Marine Le Pen observe sur le sujet un silence bienveillant. Deux raisons à cela : d’une part, le FN est favorable à un non-cumul strict des mandats. D’autre part, et surtout, cette nouvelle donne annoncée pour 2017 sert les intérêts du parti d’extrême droite sur le terrain. Explications.
Les états-majors parisiens désarmés. Selon le projet de loi défendu par le gouvernement, un maire ou un président de communauté de communes ne pourrait plus être en même temps député ou sénateur. Les maires élus au printemps 2014 ne pourraient donc pas prétendre à l’investiture en 2017, lors des élections législatives. "Et ça, c’est un élément qui va limiter les moyens de coercition des états-majors parisiens", explique Jérôme Fourquet, de l’institut Ifop, joint par Europe1.fr. En clair, un candidat de droite ou de gauche qui voudrait s’allier, contre l’avis de l’organe central de son parti, au FN par exemple, ne pourra plus être menacé d’être privé d’une investiture à laquelle il n’aurait de toute façon plus droit.
"La majorité des cumulards vont choisir leur mandat local. Dans les petites villes de 20 ou 30.000 habitants, être maire, c’est le bâton de maréchal", poursuit le directeur du département Opinion et Stratégies d’entreprises de l’Ifop. Au FN, on se réjouit de cette nouvelle donne. "Cela réduit l’impact des pressions des structures partisanes, des partis politiques", se réjouit de son côté Florian Philippot, joint par Europe 1.fr "Cela réduit les logiques partisanes et c’est plutôt une bonne chose", poursuit le vice-président du FN
Des candidats affaiblis. Pour un candidat aux élections municipales, affronter un maire ou un député-maire, voire un député qui pourrait devenir maire, ce n’est pas tout à fait la même chose. "C'est une règle de compétitivité électorale", explique dans L’Express Yves Colmou, conseiller du ministre de l’Intérieur Manuel Valls, qui défend la réforme. "Celui qui détient déjà un mandat est souvent le meilleur candidat pour en obtenir un deuxième." L’hebdomadaire cite un exemple emblématique, celui de la troisième circonscription de Lot-et-Garonne, le fief de Jérôme Cahuzac. A l’occasion d’une partielle, c’est l’UMP Jean-Louis Costes, par ailleurs maire de Fumel (5.000 habitants), qui s’était imposé au deuxième tour face au frontiste Etienne Bousquet-Cassagne avec moins de 2.500 voix d’avance. "Si je n'avais pas été maire, j'aurais été battu par le Front national", avait reconnu le nouveau député lors de son entrée à l’Assemblée nationale. En 2017, les candidats pourraient ne plus profiter de cet avantage.
Un appel d’air. C’est une conséquence mécanique du projet de loi sur le non-cumul des mandats. Qui dit moins de cumulards dit plus d’élus. Qui dit plus d’élus dit plus de places pour les nouveaux venus en politique, dont font partie les candidats du Front national. "Ça va favoriser le renouvellement de la vie politique. Comme force d’avenir, comme force qui connaît plutôt une bonne dynamique, on y aura toute notre place", sourit Florian Philippot.
Conséquence : des alliances plus fréquentes ? Le résultat de ces nouveaux éléments, c’est que la tentation des alliances avec le FN, dès 2014, pourrait être très forte pour les maires sortants ou pour les candidats les mieux placés au soir du premier tour. "Il y en a un paquet qui vont franchir le pas", pronostique Jérôme Fourquet, de l’Ifop. "D’autant que localement, les barrières qui persistent dans la population, comme la sortie de l’euro, n’ont aucun impact sur la politique municipale". Au Front national, ont feint de ne pas s’enflammer. "Les logiques d’alliance ne se feront pas en raison de cette mesure du non-cumul, mais parce qu’il y a une dynamique, une attractivité", a beau jeu de répondre Florian Philippot.