Deux semaines après la victoire de François Hollande à la présidentielle, la campagne pour les législatives est donc officiellement ouverte. 6.611 candidats en lice pour 577 sièges à pourvoir et un objectif à gauche : éviter une cohabitation. Mais pas seulement.
S'assurer une majorité parlementaire
C'est l'objectif numéro un : une majorité "large" à l'Assemblée. Les socialistes en ont même fait leur slogan de campagne : "Donnons une majorité au changement". Le nouveau ministre de l'Intérieur Manuel Valls, l'explique par ailleurs : "une cohabitation au mois de juin n'aurait aucun sens". Une cohabitation entraînerait une "crise politique éminemment grave", surenchérit la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem. Pourtant la gauche a deux raisons de voir l'avenir en rose.
Car depuis 2002 - c'est-à-dire depuis que les élections législatives se tiennent dans la foulée de la présidentielle -, les Français ont toujours fait le choix de la "cohérence". Les électeurs ont toujours donné au Président élu la majorité nécessaire pour appliquer sa politique.
Et 2012 ne devrait pas faire exception à la règle. Les différentes enquêtes d'opinion annoncent toutes une victoire de la gauche. Une enquête BVA publiée vendredi donne ainsi la gauche (PS, EELV, Front de Gauche) gagnante avec 45,5% d'intentions de vote, contre 32,5% pour l'UMP. Un sondage CSA sorti la veille crédite quant à lui la gauche de 46% des voix pour le premier tour des législatives, contre 33,5% pour la droite (33% pour l'UMP et 0,5% pour Debout la république).
Eviter une dispersion de la gauche
La bataille des législatives laisse toutefois planer de sérieuses incertitudes, à gauche, sur le front de l'unité. Certes, le PS a conclu des alliances électorales avec Europe Écologie-Les Verts (EELV), le Parti radical de gauche (PRG), le Mouvement républicain et citoyen (MRC) de Jean-Pierre Chevènement et le Mouvement unitaire progressiste (MUP) de Robert Hue (ex-PCF). En revanche, aucun accord n'a été trouvé avec le Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon. Pas même dans les circonscriptions où la gauche risque d’être éliminée par la droite et l’extrême droite.
Une absence d'accord avec le Front de gauche que "regrette" la patronne du PS, Martine Aubry. Jean-Luc Mélenchon, lui, pointe du doigt la maire de Lille, isolée au sein du PS, l'accusant de tout pour faire capoter un accord. "Peut-être parce qu'elle est en compétition avec Jean-Marc Ayrault et qu'elle aimerait bien que les choses dégénèrent entre le Front de Gauche et le gouvernement", explique-t-il lundi.
Comme si cela ne suffisait pas, même quand le PS réussit à s'entendre avec ses alliés, les choses ne se passent pas comme prévu sur le terrain. Un peu partout en France, des socialistes se sont ainsi affranchis de l'accord national PS-EELV réservant des circonscriptions aux écologistes. Les hostilités sont ouvertes entre les deux alliés dans une douzaine de circonscriptions au moins. Une brèche d'autant plus d'autant évidente que François Hollande avait pris ses distances avec ce texte et qu'Eva Joly a réalisé un faible score à la présidentielle. En Saône-et-Loire, Arnaud Montebourg lui -même, a apporté son soutien à une socialiste exclue depuis par le PS face à l'écologiste désignée par les deux formations.
Préserver l'unité du PS
En interne aussi les socialistes auront de leur côté fort à faire. Histoire de ne laisser planer aucun doute sur d'éventuelles frictions, la patronne du PS et le Premier ministre ont voulu afficher leur unité à la sortie de leur déjeuner à Matignon vendredi. Jean-Marc Ayrault mènera la bataille des législatives avec à ses côtés Martine Aubry. Ils tiendront quelques meetings ensemble, ont-ils assuré à la sortie de ce rendez-vous stratégique. Une unité de façade entre le nouveau chef de la majorité et celle qui a été écartée de Matignon ? "Personne ne peut se payer le luxe d'une quelconque division", explique en tout cas le politologue Stéphane Rozès, interrogé par Europe1.fr.
C'est aussi au niveau local que les choses apparaissent compliquées. Le PS doit affronter plusieurs dissidences sur le terrain. C'est le cas de René Dosière, député sortant apparenté PS, dans l'Aisne et de Jean-Pierre Kucheida dans le Pas-de-Calais, mais aussi dans les 9e et 10e circonscriptions de Haute-Garonne. Des guerres fratricides qui, sur le long terme, pourraient laisser des traces. >> La grosse colère de René Dosière contre le PS, c'est à voir sur Le Lab.
Ministres et candidats
"Tout ministre battu aux législatives ne restera pas au gouvernement". Au lendemain de sa nomination à Matignon, Jean-Marc Ayrault a annoncé la couleur. Un pari visiblement trop risqué aux yeux de plusieurs ministres. Sur les 34 membres du gouvernement, 24 sont finalement candidats, certains ayant préféré jeter l'éponge. C'est le cas de Christiane Taubira et Najat Vallaud-Belkacem.
Quant à Michel Sapin, qui n'avait obtenu en 2007 que 50,55 % des voix dans l'Indre mais a vu François Hollande dépasser 59 % à la présidentielle dans son fief d'Argenton-sur-Creuse, il se présente comme suppléant de Jean-Paul Chanteguet, député PS privé de circonscription après le redécoupage électoral. Et pour ceux qui, à l'instar de Marie-Arlette Carlotti ou Stéphane Le Foll, ont fait le choix de se présenter dans des fiefs de droite, la bataille promet d'être rude.