Les députés travaillent-ils trop ?

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Certains se plaignent d'une surcharge de travail que ne montrent pas forcément les chiffres.

Oui ou non, les députés sont-ils surchargés, comme le dénonçait le Radical de gauche Alain Tourret, mercredi 19 juin, lors d'une séance de la commission des lois ? Jean-Jacques Urvoas, le président de cette commission a relayé la colère de son collègue dans une lettre adressée au président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone. Le gouvernement ne permet pas aux parlementaires de "travailler de façon satisfaisante", y écrit notamment le socialiste, arguant d'un "phénomène de thrombose". Les conditions de travail de nos députés sont-elles si "insupportables", comme les qualifie Alain Tourret ? Europe1.fr a mis son nez dans les chiffres.

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Coup de gueule et ras le bol : Alain Tourret...par LCP

Moins de séances publiques, plus de commissions. Oui, les députés ont travaillé plus entre le 26 juin et le 30 septembre 2012, que durant la même période en 2007. Ils ont passé 327 heures en séances publiques (123 heures) ou commissions (204 heures) en 2012, contre 303 heures en 2007. Un chiffre qui s'explique en partie par la réforme constitutionnelle votée in extremis en 2008 qui a renforcé les pouvoirs des commissions : lorsqu'elle est saisie, elle a la responsabilité de discuter les projets et propositions de loi. "C'est la première législature où l'on siège autant", affirme à Europe1.fr la socialiste Laurence Dumont, qui est à son troisième mandat de député du Calvados. A-t-elle le sentiment que le travail s'est densifié en quinze ans, alors qu'elle mettait les pieds pour la première fois dans l'Hémicycle en 1997, période qu'Alain Tourret qualifie de faste ? "Objectivement, j'ai du mal à apprécier la différence sur la charge de travail", explique-t-elle encore. "Mais c'est vrai qu'on légifère beaucoup". Et si certains, donc, se plaignent de travailler trop, d'autres l'apprécient, puisqu'un rapport de l'Ifrap, think tank dédié à l'analyse des politiques publiques, soulignait l'année dernière que les heures supplémentaires effectuées à l'Assemblée nationale étaient grassement payées pour les employés du Palais Bourbon.

"Plus cool sous Chirac". Agnès Verdier-Molinié, présidente de l'Ifrap, est plus directe. "La vie des parlementaires était beaucoup plus cool sous Chirac", assure-t-elle à Europe1.fr. Les chiffres le confirment. En 1997 par exemple, les députés ont siégé 89 jours, pour un total de 796 heures, en session ordinaire, ainsi que 62h45 en session extraordinaire. En 2000 (959h55) et 2001 (858h), ils n'ont pas non plus dépassé le seuil symbolique des 1.000 heures en raison notamment de l'absence de session extraordinaire. Ce qui n'a pas été le cas entre 2007 et 2012, cinq années durant lesquelles les 1.000 heures on toujours été franchies. "On pourrait économiser de nombreuses de discussions inutiles", abonde Agnès Verdier-Molinié, qui donne en partie raison à Alain Tourret en soulignant que le "rythme s'est accéléré, avec une augmentation du nombre de séances de nuit".

Le vieillissement des députés en cause ? Alain Tourret fait partie de ces 97 députés âgés de 65 ans ou plus. Un critère qui peut expliquer sa sortie médiatique, selon Agnès Verdier-Molinié. "On n'a plus autant la pêche l'âge avançant, après un quatrième ou cinquième mandat", glisse-t-elle. Un autre député souligne que son collègue Radical de gauche a exprimé son ras-le-bol après une courte nuit, ce qui le rend "très circonstanciel". Sans compter que l'épisode de l'adoption du texte sur le mariage pour tous a dû laisser des traces chez les députés. Si la moyenne d'âge des députés a légèrement baissé par rapport à 2007 (54 ans contre 55,5 ans), plus de la moitié d'entre eux ont plus de 55 ans. Laurence Dumont, qui siège elle aussi dans la commission des lois, souligne pour sa part que cette dernière est énormément sollicitée. "Environ 40% des textes passent par chez nous. C'est une commission plutôt lourde", nous confie encore la vice-présidente de l'Assemblée nationale.

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Pour améliorer la qualité de travail des parlementaires, l'Ifrap avait avancé différentes pistes dans son rapport de juin 2012. Y figuraient notamment les propositions de réduction des séances de nuit, de l'étalement des séances le matin sur plusieurs jours, de la limitation du cumul des mandats. "Il est dommage que l'on y passe trop de temps dans des débats caricaturaux", déplore Agnès Verdier-Molinié, citant le voisin allemand comme bon exemple.