"Ils veulent tout, ils risquent de ne rien avoir". Mardi les écologistes ont claqué la porte des négociations avec le PS, furieux du soutien de François Hollande à la construction d'un EPR à Flamenville, un réacteur nucléaire de troisième génération. Reste que - pour l’heure - leur décision ne semble pas émouvoir outre mesure le camp Hollande.
Europe Ecologie - Les Verts a-t-elle trop joué avec le feu ? Pourquoi ces petites négociations entre camarades patinent à six mois de la présidentielle ? Europe1.fr a posé la question au politologue Gérard Grunberg (Sciences Po - CNRS) et vous livre des éléments de réponse, en 5 minutes "chrono".
Hollande peut faire sans eux, EELV ne peut pas faire sans lui
Le PS n’a pas forcément besoin d’EELV pour remporter la présidentielle - Les écologistes ont débuté ses négociations partant du principe qu'un accord avec le PS était acquis. Qu'il y en aurait forcément un. Or, ce présupposé de départ n'est pas forcément vrai : "Hollande n'a pas forcément besoin d'eux" pour 2012, assure le politologue Gérard Grunberg. Avant l’élection de 1981, quand on demandait à François Mitterrand s’il allait négocier avec les communistes, il répondait laconiquement "nous ne sommes pas en train de préparer des législatives, mais une présidentielle", rappelle le politologue.
Tout dans le système de la Ve République tourne autour de ce scrutin. "Or les écologistes semblent avoir oublié que, s’ils ont réalisé un très bon score aux européennes, ils n'arrivent pas à la présidentielle en position de force", analyse Gérard Grunberg alors qu’Eva Joly peine à faire décoller sa campagne. Dans les sondages, la candidate d’EELV n’est, en effet, créditée que de 4% à 6% des intentions de vote. Un niveau qui fragilise les Verts.
Dans un tel contexte, François Hollande pourrait bien faire fi des menaces des écologistes et renoncer à conclure avec eux un accord avant le premier tour de la présidentielle. Les écologistes se retrouveraient alors "nus" pour cette élection et celle d’après : les législatives. Et sans un accord avec les socialistes (qui leur réserve des circonscriptions), EELV risque de n’obtenir que seulement trois ou quatre députés, voire moins, à l’Assemblée.
EELV s'est focalisée sur le nucléaire
Les Verts ont été trop gourmands - "Un accord pourrait évidemment être signé rapidement entre le PS et EELV, si les écologistes n’étaient pas trop gourmands", estime encore Gérard Grunberg. Toutefois, selon lui, les Verts ont commis "la bêtise" de mettre tout l’enjeu sur l’EPR de Flamenville. Un dossier sur lequel, François Hollande s’était déjà engagé favorablement, notamment en raison des sommes déjà investies dans cette construction.
De plus, "la campagne, on le voit bien, tourne désormais autour de la crise et non du nucléaire. Et, une majorité de Français reste favorables à cette source d’énergie. En somme, avec leur insistance sur cette question qui n’est plus centrale, les écologistes ont commis l’erreur de donner à François Hollande la possibilité de jouer un pur rapport de forces à la Mitterrand", assène Gérard Grunberg.
Bref, selon lui, "c’est comme si Europe Ecologie n’avait pas encore choisi, entre être un parti de gouvernement avec des sièges au gouvernement et à l’Assemblée et un parti contestataire qui reste dur sur sa ligne… Et à ne pas faire ce choix, les écologistes vont se retrouver 'Gros-Jean comme devant' ".
Les écolos ont pâti du changement direction au PS
Europe Ecologie a mal choisi son moment - Autre raison pour expliquer le capotage des négociations entre EELV et le PS : "les écologistes n’ont pas su saisir leur moment", juge Gérard Grunberg.
"Ils ont énormément pâti du changement de direction au sein du PS. Martine Aubry s’était fortement appuyer sur eux et était prête à leur laisser beaucoup. Ce qui n’est pas le cas de François Hollande, qui sort légitimé par la primaire", ajoute-t-il. "La primaire a, en effet, changé la donne. Les écologistes auraient peut-être pu obtenir plus de chaises aux législatives s’ils avaient négocié leur participation à la primaire socialiste. Du moment, où ils ont préféré organiser leur propre primaire, ils n’ont plus le choix", insiste le politologue.
Au final, il demeure que la crise que traversent, mardi, les écologistes et PS est plus sérieuse qu’il n’y paraît et pourrait déboucher sur une "vraie rupture".