Depuis son arrivée à Matignon Jean-Marc Ayrault commence à imposer son style et sa méthode, lui qui était encore peu connu du grand public il y a une semaine. Action, concertation, sobriété, des maîtres-mots que le Premier ministre a eu l'occasion de souligner en dévoilant l'agenda social du gouvernement mercredi.
Agir vite sur les dossiers chauds
Fils d'un père ouvrier dans le textile et d'une mère couturière, Jean-Marc Ayrault a défini le premier chantier du gouvernement : le retour à la retraite à 60 ans pour ceux ayant commencé à travailler tôt. Pas question de perdre du temps. Un décret devrait sortir "très vite", "dans les trois semaines", soit entre les deux tours des élections législatives. Car le Premier ministre le rappelle : il s'agit de respecter "l'engagement" pris par François Hollande de "corriger et de supprimer une injustice".
Tenir la barre
"Je ne traiterai pas mon premier ministre de collaborateur", a prévenu dans l'entre-deux-tours le candidat socialiste. Le président Hollande ne sera donc pas "le chef de gouvernement". Jean-Marc Ayrault va pouvoir redonner tout son sens à la fonction de Premier ministre, un tantinet vidée de sa substance sous Nicolas Sarkozy.
Conformément à la lettre de Constitution, il sera le véritable chef de gouvernement. Homme de consensus, Jean-Marc Ayrault l'a démontré à Nantes ces vingt dernières années : il n'en est pas moins un bâtisseur. Son agenda social en est une illustration.
Chouchouter pour mieux bâtir
Le nouveau Premier ministre le sait. Après cinq ans de relations tendues avec le pouvoir, les syndicats attendent le gouvernement au tournant, notamment sur la méthode. Un seul mot d'ordre pour Jean-Marc Ayrault : "concertation". Le 29 mai, il recevra les cinq organisations syndicales représentatives (CGT, CFDT, FO, CFTC et CFE-CGC) et les trois patronales (Medef, CGPME, UPA). Il sera entouré de trois ministres, Michel Sapin (Travail), Marylise Lebranchu (Fonction publique) et Marisol Touraine (Affaires sociales).
Jean-Marc Ayrault présidera dans la foulée "une conférence de la méthode", réunissant l'ensemble des partenaires sociaux. Objectif : préparer la conférence pour la croissance et l'emploi prévue avant le 14 juillet et promise par François Hollande.
Et pour marquer sa différence avec le gouvernement précédent, Jean-Marc Ayrault veut jouer à fond la carte de la concertation. Comme il a déjà eu l'occasion de le rappeler sur la question des rythmes scolaires, le Premier ministre veut travailler main dans la main avec les syndicats.
Le sens du compromis
Le député écologiste François de Rugy, qui a exercé à ses côtés à Nantes vante "son sens du compromis". A peine devenu Premier ministre, Jean-Marc Ayrault a pu mettre à l'œuvre ses qualités de rassembleur, en jouant l'unité avec Martine Aubry, qui a fait le choix de rester à l’écart du casting gouvernemental.
Un "sens du compromis" qui lui sera également précieux auprès des partenaires sociaux, après cinq ans de relations tendues avec le pouvoir. Jean-Marc Ayrault a déjà eu l'occasion de rassurer la patronne du Medef, inquiète sur le dossier des retraites et du coût impliqué par un retour à 60 ans. "J'écouterai ce que dira Madame Parisot", a-t-il assuré
Un brin d'autorité
Ses proches le dépeignent comme "un homme d'autorité sans autoritarisme". Lorsque Vincent Peillon, ministre de l'Education, annonce la semaine dernière un retour à la semaine de cinq jours, alors que rien n'avait été arbitré, Jean-Ayrault recadre son ministre dès le lendemain. "La méthode, c'est la concertation".
Même rappel à l'ordre concernant certains ministres, un peu trop actifs dans les médias à son goût. Jean-Marc Ayrault a invité les membres de son gouvernement à faire preuve de "sobriété" dans leur communication, un principe à mettre "en lien avec le manque de sobriété du gouvernement sortant", a rapporté mercredi Najat Vallaud-Belkacem.
Sobriété et efficacité
"C'est l'anti-esbrouffe total, il n'y a pas moins bling-bling que Jean-Marc Ayrault", dit de lui Pascal Bolo, son adjoint aux finances à la mairie de Nantes. Le Premier ministre veut donc faire de la grande conférence sociale de juillet un rendez-vous sérieux. Cette conférence sur l'emploi, la formation, les salaires, le Smic, les conditions de travail et les retraites pourrait donc durer plusieurs jours.
"Il n'est pas question de faire des shows, des sommets sociaux qui durent une heure ou deux, où chacun s'exprime, on repart et il ne se passe rien", prévient Jean-Marc Ayrault en allusion à la méthode de Nicolas Sarkozy dont le quinquennat avait été émaillé de plusieurs sommets sociaux d'une journée, suscitant la déception des syndicats.