Le ministère de l’Education nationale aurait-il la communication sélective ? Pour nombre d’associations, la réponse est claire. Récemment, des parents d’élèves, des spécialistes du secteur et des journalistes spécialisés, notamment, se sont émus de la non-publication de bon nombre de données, dont des travaux d’inspection ou des notes statistiques. Et ils ont aussi dénoncé une évolution vers un plus grand secret depuis plusieurs années.
De moins en moins de chiffres publiés
Selon l’Association des journalistes éducation (Ajé), "depuis 2007, les rapports d'inspection générale ne sont que très rarement publiés". Après 22 publications en 2001 ou 23 en 2006, il y en a eu "16 en 2007, puis seulement deux en 2010" et une en 2011, a dénoncé lundi dans un communiqué l’association, qui s’appuie sur un décompte fait à partir du site Internet du ministère de l’Education nationale. Sur le même site, on précise que "ces rapports ont pour objet l'étude des thèmes prioritaires retenus par le ministre ainsi que le suivi permanent de la mise en oeuvre de la politique éducative". Leur importance est donc primordiale.
Par ailleurs, poursuit l’Ajé, selon le collectif syndical "Interstat", "depuis 2008, le nombre de notes d'information publiées par la Depp (la direction de l’évaluation du ministère de l’Education, ndlr) est inférieur à 40 par an, contre plus de 60 en 2003". La FCPE, première fédération de parents d'élèves, abonde. En 2011, "très peu des notes d'information annoncées ont été effectivement publiées" par la Depp, déplore l’organisation, qui cite celles sur les prévisions d'effectifs d'élèves ou sur les concours de recrutement des enseignants.
La FCPE regrette également que les bilans de réformes en cours, comme l'assouplissement de la carte scolaire, n'aient pas non plus été rendus publicsq. "Ces dernières années, de nombreux rapports des inspections générales n'ont pas été publiés, notamment celui portant sur l'évaluation des internats d'excellence", déplore-t-elle enfin dans un lettre écrite au ministère de l’Education.
Le cas épineux de la Dgesco
La Direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) est particulièrement dans le viseur. C’est elle qui est chargée de mettre en place les évaluations des élèves de CE1 et de CM2. Or, c’est aussi elle qui est chargée d’évaluer l’école primaire. Elle se retrouve ainsi "juge et partie puisqu'elle contribue à évaluer ses propres politiques", alors qu'existent des études de la Depp "plus objectives et fiables - mais moins positives", dénonce la FCPE.
Jean-Claude Emin, ancien sous-directeur de la Depp, va plus loin. "Il est regrettable que le ministère préfère mettre en avant les résultats contestables des évaluations CE1 et CM2, mises en place depuis quatre ans par la DGESCO, évaluations qui ont surtout pour objectif de nourrir la communication ministérielle au détriment d'une information étayée sur une méthodologie rigoureuse", accuse-t-il dans Le Monde du 12 décembre.
"Communication politique"
Forcément, face à cette discrétion de l’Education nationale, la suspicion grimpe. Pour Alain Bouvier, ancien membre du Haut conseil à l’Education (HCE), "le problème tient au fait qu'un ministre a une ‘durée de vie’ limitée - 18 mois, voire deux ans maximum - et agit par conséquent dans le court terme", écrit-il dans la dernière Lettre de l’éducation. "Face à la masse d'informations qui lui remontent, il a tendance à sélectionner les trois données favorables à la présentation de sa politique et étouffer les 25 défavorables".
La rue de Grenelle n’a pas directement commenté ces informations. "La direction de l'enseignement scolaire n'est pas la moins bien placée pour concevoir des évaluations", estimait dans Le Monde un proche de Luc Chatel pour justifier la double casquette de la DGESCO. Plus récemment, Luc Chatel a précisé qu’il n’était "pas contre" une évaluation indépendante de sa politique. Pas sûr que les associations se contentent de cette réponse lapidaire.