Jusqu'à mardi, c'était un quasi-inconnu en métropole. Serge Letchimy, 59 ans, est pourtant une personnalité politique de premier plan en Martinique. Et cette notoriété est bien antérieure à la polémique suscitée par sa réponse à Claude Guéant, après les propos -eux-mêmes polémiques- du ministre de l'Intérieur sur les inégalités entre les civilisations.
Avant de l'exprimer à l'Assemblée, le président du Conseil régional de Martinique apparenté PS, élu en mars 2010, avait signifié sa colère sur son blog, qu'il a ouvert il y a plus de cinq ans, avec une lettre ouverte à Claude Guéant. Des propos réitérés le lendemain dans l'Hémicycle sous forme de question au gouvernement, avec un ajout de taille : la référence au nazisme.
Regardez l'intervention de Serge Letchimy :
"Fils spirituel" de Césaire
Serge Letchimy est connu en Martinique pour ses prises de position engagées. Lors des débats liés à la loi très controversée sur les bienfaits de la colonisation, il avait été l'un de ceux qui avaient poussé Aimé Césaire à ne pas recevoir en décembre 2005 Nicolas Sarkozy, le ministre de l'Intérieur de l'époque, dont la visite avait d'ailleurs été reportée.
Le président du Conseil régional de Martinique, apparenté PS, est d'ailleurs considéré comme le fils spirituel d'Aimé Césaire, qui l'avait encouragé dans sa carrière politique et désigné comme son successeur à la tête du Parti progressiste martiniquais (PMM), qu'il avait fondé. Cette filiation, que Letchimy reconnaît volontiers, fait d'ailleurs grincer quelques dents au sein du PPM, traversé par plusieurs courants.
Dans cette affaire, Serge Letchimy se place pourtant bien dans la lignée du poète et homme politique anticolonialiste. "Lui aussi a eu en son temps des débats très durs à l'Assemblée, qu'il évoque dans Le Discours sur le colonialisme", reconnaît-il. Dans le panthéon personnel de Letchimy, Césaire côtoie d'autres figures de la résistance, telles que Gandhi, Mandela ou, moins mondialement célèbre, le député martiniquais Camille Darsières, partisan de l'autonomie.
Héros de roman
"J'ai toujours été sensible aux thématiques liées à la précarité, à la pauvreté extrême, ainsi qu'à la stigmatisation des autres et des races", confie Serge Letchimy. Avant son coup d'éclat contre Claude Guéant, son dernier fait politique marquant a été d'avoir fait voter une loi sur l'habitat insalubre en Martinique. Sa thèse d'urbanisme à la Sorbonne, soutenue il y a plus de vingt ans, portait d'ailleurs sur ce thème. Un travail qui avait inspiré une autre personnalité antillaise: l'écrivain Patrick Chamoiseau, qui s'était saisi des convictions sociales exprimées dedans pour construire le personnage d'un de ses romans, Texaco, récompensé en 1982 par le prix Goncourt.