"Le logement est devenu une vraie machine à exclure et à produire des inégalités". Mercredi à Paris, la Fondation Abbé Pierre a rendu son 17e rapport annuel. Constatant que le mal logement s’est "profondément enraciné" en France, l'association interpelle les candidats à la présidentielle sur cette question. Que proposent déjà les candidats sur ce front du logement. Est-ce suffisant ? Europe1.fr a passé au crible leurs propositions.
FRANCOIS HOLLANDE
>> Sa proposition : instaurer un système de plafonnement des loyers dans les zones tendues.
L’effet recherché - "Encadrer les loyers, c’est réalisable dès lors que l’on a l’outil législatif approprié. Une loi suffit", explique à Europe1.fr David Rodrigues, juriste à l'association Consommation logement et cadre de vie (CLCV). En 1948, par exemple, après la Seconde Guerre mondiale, la loi portant sur les rapports entre bailleurs et locataires organisait le blocage de certains loyers, à l’exception des logements neufs ou complètement rénovés. "Aujourd’hui, une telle mesure serait efficace dans la mesure où bloquer les loyers, cela procure une bouffée d’oxygène immédiate pour les locataires dont le pouvoir d’achat n’a pas progressé autant que le marché immobilier", explique le juriste qui parle d’asphyxie des Français dans certaines zones.
Le hic - L’association CLCV plaide pour un gel « temporaire" des loyers. Le dispositif doit, en effet, être limité dans le temps, sinon la mesure pourrait générer des effets néfastes. "Les propriétaires pourraient, par exemple, être tentés d’augmenter fortement, d’un seul coup, leurs loyers pour compenser le fait qu’ils ne pourront les augmenter pendant des années. Ils pourraient également essayer tout bonnement "de virer le locataire" pour débloquer le loyer.
>> Sa proposition : mettre les terrains de l’Etat à la disposition des collectivités locales pour construire des logements.
L’effet recherché - Les experts s'accordent pour considérer qu'il manque environ 900.000 logements neufs dans les régions les plus dynamiques économiquement (IDF, Paca et Rhône-Alpes principalement), notamment en raison d'un manque de terrains à bâtir à un coût qui soit économiquement supportable pour les futurs propriétaires et locataires. Pour Alain Dinin, PDG de Nexity, la proposition de François Hollande est donc "une bonne mesure".
Le hic - Alain Dinin estime toutefois qu’une réforme « du droit à l'urbanisme et des permis de construire" doit être mise en place pour contraindre les communes, souvent réticentes, à laisser édifier des habitations. Autre bémol sur cette mesure : "on ignore combien de terrains vacants dispose l’Etat dans les zones tendues comme Paris. Sont-elles nombreuses ou pas ?" s’interroge encore David Rodrigues. Enfin, la droite estime que cela aurait pour conséquence d’appauvrir le patrimoine de l’Etat.
NICOLAS SARKOZY
>> Son annonce : "tout terrain, toute maison, tout immeuble verra ses possibilités de construction augmenter de 30%".
L’effet recherché - Cette mesure - qui ne concernera vraisemblablement que les permis de construire - doit permettre de créer des espaces habitables supplémentaires. Selon le président, une telle réforme fera baisser "les prix de l'immobilier à l'achat, à la vente, et les prix à la location. "Cela aura également l'avantage suivant : donner un travail formidable à l'industrie du logement. Car, ce ne sont pas des emplois délocalisables", a ajouté le chef de l'Etat.
Le hic - Il est difficile de confirmer qu’une telle mesure fasse baisser les prix du logement en France. Cette proposition se heurte, en effet, à deux tendances lourdes : il manque beaucoup trop de logements pour que l’effet soit immédiat sur les prix et, surtout, il n'existe aucun terrain libre dans certaines zones comme la région parisienne. De plus, une telle mesure rentre en conflit avec les diverses règlementations en terme d’urbanisme ou de protection du littoral, de l’environnement. "Enfin, le risque est que cette proposition fasse augmenter les prix du foncier", explique à Europe1.fr le délégué général de la CLCV, Thierry Saniez qui précise son propos : « les propriétaires de terrain vont ainsi être appelé à augmenter le prix de leurs terrains, car ils savent que les promoteurs pourront en tirer plus d’argent". Enfin, la proposition "si elle est efficace n’aura d’effets que dans 5 ou 6 ans. Pas avant", conclut le spécialiste.
MARINE LE PEN
>> Sa proposition : "instaurer une préférence nationale pour l’attribution des logements sociaux".
L’effet recherché - Le parti frontiste souhaite que les logements sociaux soient attribués en fonction d’une "priorité nationale pour le logement social". Dans certaines situations "des immigrés en situation régulière pourront bénéficier d’un logement social". Mais cette facilité "ne doit en aucun cas être étendue aux étrangers en situation irrégulière ni à tous les immigrés en situation régulière", précise le parti d’extrême-droite qui veut également "construire des parcs immobiliers nouveaux".
Le hic - "Il s’agit, ici, de politique, pas de logement", répond la CLCV qui s’interroge sur la faisabilité d’une telle mesure. La proposition du Front national risque également de rentrer en conflit avec la déclaration des droits de l’homme qui fait partie du corpus constitutionnel français. La mesure n’aurait, enfin, aucun effet sur le prix des loyers.
FRANCOIS BAYROU
>> Sa proposition : créer des "logements de transition".
L’effet recherché - Pour favoriser la construction de nouveaux logements, le MoDem souhaite créer "une vraie Haute autorité régionale chargée du logement et de l’hébergement". Elle permettra de dégager des surfaces constructibles. "C’est ce que nous recommandons", assure Thierry Saniez de la CLCV, qui estime que la France manque effectivement d’un dispositif d’anticipation de la demande de logement. Dans son programme, le parti centriste promet aussi de "construire des logements de transition ou de type "mobile-home" à durée de vie limitée".
Le hic - Pour les experts du secteur, ce sont ces "mobile-homes" qui posent problème. "De tels logements de transition, malheureusement, cela existe déjà", note d’abord Thierry Saniez. De plus, "ce type de proposition de faire vivre des gens dans des "préfabriqués" constitue un retour en arrière de 50 ans. Cela risque, par ailleurs, d’installer une certaine précarité".