Le gouvernement se serait bien passé de ce nouvel imbroglio. Et le Premier ministre de ce nouvel impair. Comme beaucoup le pressentaient, le Conseil constitutionnel devrait invalider la loi sur le logement social. Problème : Jean-Marc Ayrault n’a pas su attendre. "Je me suis peut-être trompé en anticipant un peu", a-t-il reconnu un peu plus tard dans la journée. Trop tard...
Le "cafouillage" d’Ayrault. Le Premier ministre était tellement pessimiste qu’il a anticipé la décision du Conseil constitutionnel en l’annonçant dès mercredi matin, sur France Inter. Au mépris des usages institutionnels. Une façon de faire qui a déplu en haut lieu et qui lui a valu les remontrances de François Hollande, selon leJDD.fr : "Ce n'est pas à toi de le dire. Tu es Premier ministre. Le Conseil constitutionnel est une autorité indépendante", a lancé le chef de l'Etat au locataire de Matignon, selon un conseiller. "Nous n'avons pas statué! Nous examinons le texte cet après-midi. Mais si le gouvernement est persuadé que sa loi n'est pas bonne", avait commenté un peu plutôt un Sage auprès du Figaro, ce qu'a ensuite confirmé Jean-Louis Debré, président de l'instance.
L'universitaire Didier Maus, spécialiste du droit constitutionnel, s'étonne lui aussi de la méthode : "La procédure est que le Conseil constitutionnel prenne sa décision et la communique en avance à Matignon afin que le Premier ministre ait la possibilité de réagir. Mais je n'ai pas le souvenir d'un Premier ministre qui annonce une décision du Conseil constitutionnel", a-t-il déclaré sur le Lab.
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Que prévoit ce texte ? Le texte prévoit la cession gratuite de terrains de l'Etat aux collectivités locales, et porte à 25% le taux obligatoire de logement social dans les communes sous peine de pénalités financières aggravées.
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Pourquoi la loi est invalidée ? En annonçant lui-même la nouvelle, Jean-Marc Ayrault en a profité pour argumenter. "Il y a eu un cafouillage parlementaire, je le regrette, mais en ce qui concerne la cause de cette annulation, vous savez que le Conseil constitutionnel a été saisi sur un problème de forme par l'UMP et l'UMP a obtenu l'annulation", a justifié le chef du gouvernement.
Le 10 octobre dernier, l’opposition centriste et UMP avait en effet saisi le Conseil constitutionnel afin de défendre sa "vision d'une procédure législative respectueuse du Parlement" et protester contre les procédures accélérées d'examen des textes. Le texte incriminé, jugé prioritaire par le gouvernement, avait été étudié en séance au Sénat un après-midi, mais avait été étudié et modifié le matin même en commission. Or, depuis la révision constitutionnelle de 2008, c'est la version adoptée par la commission qui doit être examinée en séance, et non la version initiale du projet de loi. Ce qui ne fut pas le cas.
Et la suite ? Il n’est aucunement question pour le gouvernement d’abandonner son projet, considéré comme prioritaire eu égard à l’importance que la question du logement revêt pour les Français. "La loi nouvelle va être proposée, dans un mois et demi elle sera votée, elle sera appliquée, à Neuilly comme ailleurs", a promis le Premier ministre. La porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem a été encore plus précise, annonçant que le nouveau texte serait présenté le 14 novembre en Conseil des ministres et le 20 novembre à l'Assemblée nationale.