Cette semaine, on en a découvert sept, soit un par jour en moyenne. De droite comme de gauche (radicale), de nombreux élus de Paris, et pas des moindres, disposent encore d’un logement social dans la capitale. Deux adjoints d’arrondissement et cinq adjoints au maire Bertrand Delanoë ont en effet été épinglés par la presse. Ils s’ajoutent ainsi aux cas, déjà révélés par le Lab, de Jack-Yves Bohbot et Jean-Jacques Giannesini, deux membres éminents de l’équipe de campagne de Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM), la candidate UMP aux municipales de 2014. Le sujet est hautement épineux, dans une ville qui compte plus de 100.000 ménages en attente d’être acceptés dans le parc social. Le maire de Paris, de son côté, s’est contenter d’appeler "à la responsabilité" de ses équipes.
>> Qui sont-ils ? Qu’ont-ils à dire pour leur défense ? Pourquoi ne leur dit-on rien ? On décortique.
Au PS, on s’estime encore précaire. Dans l’équipe du maire actuel, ils sont au moins trois socialistes, adjoint de Bertrand Delanoë, à disposer d’un logement social, malgré une indemnité de conseiller d’environ 5.500 euros nets par mois, comme le détaille Mediapart. Ainsi, Claudine Bouygues, adjointe depuis juillet 2012 aux droits de l’homme, vit depuis 1989 dans un 56 m² payé 696 euros charges comprises, dans le 18e arrondissement. Didier Guillot, adjoint à la vie étudiante depuis 2008, vit dans un 113 m² du 18e depuis 2000 et paye 1.900 euros, parking compris, en compagnie de sa femme (magistrate) et ses enfants. Quant à Liliane Capelle, adjointe en charge des seniors, elle habite depuis 1993 un logement de 100 m² du 11e pour lequel elle paie 1.800 euros, charges comprises. Ses revenus étant supérieurs aux plafonds, elle doit certes payer le montant de son ancien loyer. Mais elle occupe tout de même un logement dont pourrait profiter, avec un loyer moindre, d’autres Parisiens.
Dans les rangs socialistes, c’est la précarité du statut d’adjoint au maire qui est souvent avancé comme argument. Leur emploi étant limité dans le temps, ils ne s’estiment pas privilégiés. "Si je voulais acheter dans le privé, on me dirait : ‘Vous n'avez pas de salaire, vous avez des indemnités’", avance Claudine Bouygues. "En 2011, les agences ont refusé de considérer mes indemnités de maire adjoint comme un revenu à part entière. Pour elles, c’était l’équivalent d’un CDD", argumente également Didier Guillot. Argumentaire qui provoque un questionnement, acerbe, de Mediapart : "mais comment font les Parisiens ? Certains ne sont-ils pas au chômage, dans la précarité, ne perdent-ils pas leur emploi ? La fonction de l’élu serait donc la seule à être inconfortable ?"
Pour le PCF, ce n’est pas réservé "aux pauvres". Le logement social n’a pas de couleur politique. Et comme le raconte Mediapart, deux communistes de l’équipe de Bertrand Delanoë en occupent un. Jean Vuillermoz, adjoint aux sports depuis 2008, perçoit son indemnité de maire adjoint ainsi qu'une retraite de 2.800 euros par mois de la RATP. Il vit dans un appartement du 20e de 53 m2 et paie un loyer mensuel de moins de 300 euros par mois (hors charges). Pierre Mansat, adjoint depuis 2001 en charge de "Paris-Métropole", occupe lui un 75 m2 dans le 12e et dit payer 1100 euros.
Pour les élus communistes, les logements à moindre coûts doivent rester accessibles aux élus, pour continuer d’attirer en politique des citoyens modestes. "Après moi, je crois qu’il n’y aura plus d’ouvriers élus à Paris. Si on veut des gens modestes, on ne peut pas interdire de vivre dans le parc des bailleurs sociaux", estime ainsi Jean Vuillermoz. Quant à Pierre Mansat, il estime même avoir une "conception ouverte du logement social". "Il ne doit pas être réservé aux plus pauvres. Mais répondre à l’ensemble des besoins de la société", avance-t-il.
À droite, on "est personne". La droite n’est pas non plus exempte de tout reproche. Et de nombreux adjoints de maires d’arrondissement logent toujours ou ont logé jusqu'à récemment dans un logement social, malgré une indemnité d’environ 4.000 euros bruts. Geoffroy Boulard, adjoint UMP à la Sécurité dans le 17ème arrondissement de Paris, bénéficie d'un logement social de 74 m2 loué 1.170 euros par mois soit 60% moins cher qu'un logement privé dans le quartier, révèle 20 minutes. Dans le même arrondissement, Valérie Nahmias, adjointe au maire du 17ème arrondissement et candidate UDI pour les prochaines municipales, occupe un logement de 60 mètres carrés pour un loyer de 700 euros mensuels. Avant eux, Jack-Yves Bohbot, chef de file UMP dans le 11e arrondissement et Jean-Jacques Giannesini, dans le 19e arrondissement, avaient déjà été concernés par des affaires pareilles.
Tous les élus et candidats UMP ont toutefois déjà annoncé qu’ils avaient quitté leur bail ou qu'ils étaient sur le point de le faire. NKM insiste d’ailleurs pour que tous les élus UMP quittent leur logement social après 2014. Mais même s’ils sont prêts à le faire, ils ne le font pas forcément de bon cœur. "Je ne suis qu'un simple adjoint dans le 17e. Je ne suis personne", lâche ainsi Geoffroy Boulard, dans 20 Minutes.
Pourquoi la mairie laisse faire. En 2011, l’équipe municipale prévoyait déjà de dresser un bilan des conseillers de Paris occupant un logement social. "On avait décidé que chaque mandature soit l'occasion de demander aux élus de Paris qui habite dans le parc social", explique, à l’époque, François Dagnaud, l’adjoint chargé de l’organisation du Conseil de Paris. Après un sondage interne, auquel avaient répondu 75% des élus, elle s’était aperçue qu’au moins huit conseillers de Paris jouissaient d’un logement moins cher que le marché privé. Mais elle n’y voyait alors pas de problème, puisqu’aucun n’avait obtenu le logement pendant la mandature. "Pour certains, cela remonte à 1974, mais depuis 2001 aucun conseiller de Paris n'a été attributaire d'un logement du parc social", explique alors François Dagnaud. Et de poursuivre : "ce qui est visé, c'est que des élus ne se voient pas attribuer pendant leur mandat un logement social, ce qui serait là condamnable, et à ma connaissance, il n'y a pas de cas".
Le maire Bertrand Delanoë, pour sa part, a répété le même message dans un communiqué jeudi, rappelant aussi qu’il existait "un droit de maintien" l’empêchant d’exiger le déménagement de ses équipes. Mais il a tout de même appelé "les élus comme les autres locataires du parc social à faire preuve de responsabilité dès que, leur situation matérielle s'étant améliorée, elle ne justifie plus l'occupation d'un logement social dans la crise que nous traversons". La numéro deux de Bertrand Delanoë et candidate socialiste à la municipale, Anne Hidalgo, ne plaide, pour sa part, pas non plus pour une interdiction automatique des logements sociaux aux élus parisiens mais promet la mise en place d'une "commission indépendante de déontologie", si elle est élue.