Invité samedi à un débat par Sens commun, Nicolas Sarkozy a employé pour la première fois le terme d'"abrogation" sur la loi Taubira. Depuis cette sortie, l'ancien président affronte une avalanche de réactions négatives, sans surprise venant de la majorité mais aussi de son propre camp. Thomas Guénolé, politologue et auteur de Nicolas "Sarkozy, chronique d’un retour impossible ?" (éditions First), analyse cette sortie et ses conséquences.
Quelle stratégie Nicolas Sakozy a-t-il finalement voulu adopter ?
C’est une tentative désespérée de se dépêtrer de l’obligation de prendre position sur ce sujet. Il a essayé de prendre une position intermédiaire. Il a voulu jouer sur les mots en disant "abrogation" au sens "modification très profonde". Il a tenté la manipulation sémantique jusqu’à se prendre les pieds dans le tapis…
Est-ce un bon calcul politique ?
En dessous de 70-75%, il sera considéré qu’il a fait un mauvais score à l’élection de la présidence de l’UMP. En faisant cette sortie, il empêche Hervé Mariton de lui prendre des voix. A l’échelle de la présidence de l’UMP, c’est donc plutôt un bon calcul… mais pas à l’échelle de la primaire pour 2017 qui sera ouverte aux électeurs de droite et du centre. Or, l'opposition pour l’abrogation de la loi Taubira est largement majoritaire dans cet électorat. Mais la primaire est encore très loin. Il peut encore changer de position. L’histoire récente a montré qu’il en est tout à fait capable, comme par exemple sur le droit de vote pour les étrangers extra-européens.
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Le bilan est donc mauvais pour lui ?
C’est clairement raté ! D’abord, ça a été perçu comme un coming out homophobe. Et puis, très vite, sa position ne va contenter personne. Les électeurs qui sont pour le mariage pour tous, y compris une bonne majorité des électeurs de droite, sont forcément mécontents. Et les autres se rendront très vite compte qu’il ne veut pas revenir sur le mariage et l’adoption mais simplement s'opposer à la PMA et à la GPA. Le mot "abrogation" a été agité comme un totem mais les réseaux activistes catholiques ne vont pas tarder à déconstruire sa tentative d’enfumage. Bref, le bilan est mauvais.
Quel risque prend-il à long terme avec ce genre de stratégies ?
Avant son retour, il y avait une véritable attente, une curiosité des militants de droite. Il est arrivé… et c’est le même. Sa position sur la loi Taubira est un symptôme supplémentaire d’un choix tactique mauvais. Il continue en 2014 sa campagne de 2012. Il fait le pari que la société se droitise et qu’il faut donc faire une campagne de droite décomplexée. Avec cette stratégie, il court le risque de s’enfermer dans la "lepénisation" et de devenir marginal dans son propre électorat.