Loi renseignement : pourquoi Hollande saisit les Sages

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Louis Hausalter , modifié à
DÉCRYPTAGE - Le chef de l'Etat a décidé de saisir le Conseil constitutionnel pour vérifier la conformité de la loi renseignement à la Constitution. Une première sous la Ve République.

Les inquiétudes sont toujours vives autour du projet de loi sur le renseignement, actuellement en discussion au Parlement. Pour calmer les esprits, François Hollande a trouvé une parade : le chef de l'Etat a annoncé dimanche sur Canal+ qu'il saisirait le Conseil constitutionnel à propos de ce texte, à l'issue de la discussion parlementaire. "Le Conseil constitutionnel pourra regarder lui aussi, en fonction du droit, si ce texte est bien conforme, ou certaines de ses dispositions sont bien conformes, justement, à la Constitution", a-t-il expliqué.

Se poser en garant des libertés. C'est l'une de ses prérogatives : le président de la République a le droit de saisir le Conseil constitutionnel. Mais c'est la première fois sous la Ve République qu'un chef de l'Etat effectue une telle saisine sur une loi ordinaire. En confiant aux neufs juges constitutionnels le soin d'examiner la conformité de la loi à la Constitution, François Hollande espère ainsi se poser en garant des libertés fondamentales.

"Des présidents ont déjà saisi le Conseil constitutionnel sur des questions européennes et des engagements internationaux, comme la ratification du traité de Maastricht. Cela leur permettait de lever les objections des souverainistes", rappelle le constitutionnaliste Olivier Duhamel, contacté par Europe 1. François Hollande a choisi une démarche similaire pour lever les doutes sur la loi renseignement. "Ce texte est assuré d'une large majorité à l'Assemblée nationale, mais les contestations sont très nombreuses dans la société civile. Le but de cette saisine est d'essayer d'apaiser ces critiques", poursuit Olivier Duhamel.

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"C'est incompréhensible". Le Conseil constitutionnel aurait sans doute été saisi de toute façon par l'opposition. En prenant les devants, François Hollande coupe donc l'herbe sous le pied de la droite. Mais son initiative n'en a pas moins suscité des critiques. "C'est incompréhensible", s'est emporté Henri Guaino (photo), lundi sur LCI. Pour le député UMP des Yvelines, si François Hollande "accepte que son gouvernement présente au parlement une loi de cette nature, c'est qu'il est absolument certain qu'elle ne viole pas les grands  principes, les libertés, la Constitution".

"Si vous présentez un texte, c'est que vous pensez qu'il est bon pour la France, qu'il protège les libertés et les grands principes. Vous n'allez pas vous-même le déférer au Conseil", a ajouté Henri Guaino, qui voit dans la décision du chef de l'Etat une "petite astuce politicienne".

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Hollande devra justifier sa saisine. Du côté du Conseil constitutionnel, on affiche la couleur : les Sages ne se laisseront pas "instrumentaliser", a averti Jean-Louis Debré (photo), le président de l'institution, lundi sur BFMTV. "Nous ne sommes pas là pour donner un avis, nous sommes une juridiction constitutionnelle et nous rendons des décisions", a-t-il déclaré. "Il faudra donc que la saisine du président de la République soit motivée." En clair, François Hollande devra préciser quels sont les points du texte - élaboré par son propre gouvernement - qui risquent de poser problème…

Et si le Conseil constitutionnel retoquait la loi ? Hypothèse improbable, juge Olivier Duhamel. "Le Conseil prend souvent des décisions nuancées. Il peut par exemple dire qu'un article est valide s'il est interprété de telle façon", explique le constitutionnaliste. Le risque politique reste donc limité pour François Hollande, soucieux de déminer un texte qui bénéficie pourtant d'un large soutien de l'opinion publique.

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