Longuet, la revanche d’un fort en gueule

Le portefeuille de la Défense représente une consécration pour Gérard Longuet, 75 ans. © REUTERS
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Réputé pour son franc-parler, le nouveau ministre de la Défense a connu un parcours chaotique.

Gérard Longuet, connu pour son franc-parler, nommé à la tête de la Grande Muette, voilà qui ne manque pas de sel. Nommé ministre de la Défense dimanche soir par Nicolas Sarkozy, le désormais ex-sénateur de la Meuse - il a été remplacé par son suppléant Claude Léonard lundi - va sans doute devoir canaliser son ton naturellement hâbleur. Celui-là même qui l’avait fait qualifier, le 10 février dernier sur Europe 1, de "connerie" la volonté de Nicolas Sarkozy de cantonner les vacances des ministres à la France.

Pendant 14 mois, voilà donc Gérard Longuet contraint de tenir sa langue dans un ministère sensible. Un moindre mal pour ce vieux routier de la politique qui, à 65 ans, touche enfin la consécration qu’il estimait mériter. En novembre 2010, lors du dernier remaniement, alors que Nicolas Sarkozy lui avait donné des assurances sur son entrée au gouvernement, il avait eu la mauvaise surprise de voir son nom rayé au dernier moment. Furieux, il avait lancé au chef de l’Etat, lors d’une entrevue à l’Elysée, selon Le Canard Enchaîné : "tu sais que j’ai envie de te casser la gueule".

C’est que Gérard Longuet est animé d’un certain esprit de revanche. Sa dernière expérience ministérielle, en 1993-1994, s’était terminée en eau de boudin. Quand il est nommé ministre en 1993, il fait partie de la "bande à Léo ", ces proches de François Léotard, comme Alain Madelin, qui ont le vent en poupe. Mais les affaires auront raison du groupe. Inquiété par une affaire sur la construction de sa villa à Saint-Tropez, mais aussi pour le financement présumé occulte du Parti républicain (PR), qu’il a présidé de 1990 à 1995, celui qui était alors ministre de l’Industrie est contraint à la démission au nom de feu la jurisprudence Balladur*.

"J’assume avoir été d’extrême droite"

Un coup d’arrêt pour celui qui avait fait ses premiers pas en politique à l’extrême droite, en fondant en 1964, avec Alain Madelin notamment, le mouvement Occident, spécialisé dans les affrontements avec les étudiants d’extrême gauche. "Nous étions une bande de copains. Je n'ai jamais supporté que l'on m'interdise de m'exprimer", expliquait Gérard Longuet dans Le Monde en 2005. De cette expérience, il récolte une condamnation à 1.000 francs d’amende en juillet 1967 pour complicité de "violence et voies de fait avec armes et préméditation".

A la dissolution du groupuscule, il participe à la création de l’organisation estudiantine d’extrême droite, le GUD (groupe union-défense), dont il aurait écrit les premiers textes de propagande. EN 1972, il rédige même le premier programme économique du tout nouveau Front national. Ce passé extrême, Gérard Longuet, fidèle à lui-même ne s’en cache pas. "J'assume avoir été d'extrême droite. On s'est simplement trompés sur le modèle colonial, qui ne pouvait perdurer", disait-il dans la même interview au Monde.

Puis Gérard Longuet entre à l’ENA en 1971, et sa trajectoire politique devient plus classique. Il sort sous-préfet et intègre, en 1977, le cabinet de Jacques Dominati, secrétaire d’Etat dans le gouvernement de Raymond Barre. En 1978, il est élu pour la première fois député, jusqu’en 1981, sous l’étiquette UDF-Parti républicain. Au sein d’un parti encore jeune, il insuffle avec d’autres une orientation ultralibérale. Puis en 1986, il connaît sa première expérience gouvernementale, secrétaire d’Etat en charge des Télécommunications sous l’égide de Jacques Chirac. Après la réélection de François Mitterrand en 1988, il se concentre sur le conseil régional de Lorraine, qu’il conquiert en 1992.

Résurrection

Ce siège est alors un refuge, alors que ses démêlés judiciaires sont en cours. En 2001, il entame tout de même sa résurrection politique au niveau national en étant élu sénateur de la Meuse. En 2005, il fait le choix éclairé de soutenir Nicolas Sarkozy. Il est alors élu conseiller politique à l’UMP. Après l’élection de l’actuel chef de l’Etat, en 2007, son sort n’évolue plus jusqu’en 2009. Quand Henri de Raincourt intègre le gouvernement (à la Coopération), il le remplace comme président du groupe UMP au Sénat.

A ce poste, il se bat bec et ongles pour faire voter par la majorité les réformes les plus sensibles du président Sarkozy, notamment celle des retraites et celle, encore plus sensible au Sénat, des collectivités territoriales. Son amertume est d’autant plus grande quand il est "oublié " lors du remaniement de novembre 2010. D’autant qu’entre temps, il s’est débarrassé de tous ses ennuis judiciaires.

Définitivement relaxé pour l’affaire de sa villa en novembre 1998, Gérard Longuet bénéficie en effet également début 2010 d’un non-lieu dans l’enquête sur le financement du PR, au nom d’une loi d’amnistie datant de 1990, selon laquelle des poursuites ne peuvent être engagées à l’encontre de responsables de parti qu’en cas d’enrichissement personnel. Ce non-lieu général a été prononcé le 26 février 2010. Soit un an et un jour avant qu’il soit nommé à la Défense.

* A son arrive à Matignon, Edouard Balladur, dans la droite ligne de son prédécesseur Pierre Bérégovoy, exige que tous les ministres impliqués dans une affaire judiciaire démissionnent, même s’ils n’ont pas été condamnés.