"Bas les pattes !". L'édition de Libération de mardi consacre sa Une à une tribune contre le machisme en politique écrite par 40 journalistes. "Nous pensions que l'affaire DSK avait fait évoluer les choses et que les habitudes machistes étaient en voie d'extinction. Las", regrettent ces journalistes, avant de raconter quelques anecdotes pour le moins parlantes. Caroline Roux, éditorialiste politique d'Europe 1, en a aussi quelques-unes sous le coude.
"Il fallait que m'allonge sur des coussins en satin…" Quand je suis arrivée dans ce milieu, à 26 ans, j'avais pris cela de manière assez violente. J'avais le sentiment d'être une blonde, avant d'être une journaliste", a-t-elle d'abord regretté. Avant de se souvenir d'un de ses tout premiers déjeuners avec un homme politique. "Un député m'a invité dans le 8e arrondissement et je me suis retrouvée dans un restaurant un peu sombre, éclairé à la bougie. Et il n'y avait pas de chaises. Il fallait que m'allonge sur des coussins en satin…Au moment de commander, je me suis rendu compte que c'était un restaurant où il fallait manger avec les doigts, avec des menus au gingembre…"
"Si j'ai des choses à dire, je le fais les yeux dans les yeux". Sa réaction ? "Je lui ai dit qu'il avait l'âge de mon père et que soit on faisait un déjeuner de travail, soit je partais. J'ai été extrêmement ferme, agressive, un peu virile. Et depuis, on a des réactions professionnelles convenables". Interrogée sur la réaction de Bruno Le Roux, chef de file des élus socialistes, qui se félicite de cette tribune mais appelle les journalistes à dénoncer les malotrus, Caroline Roux estime que "ce serait trop facile" de balancer des noms. "Si j'ai des choses à dire, je le fais les yeux dans les yeux".
"Vous faites le tapin, vous attendez le client". Les 40 journalistes ne donnent, elles non plus, jamais de noms- "on a choisi de ne pas donner les noms pour dire que ce ne sont pas trois mecs fous, mais globalement un comportement des hommes politiques français avec les journalistes politiques françaises", a expliqué Cécile Amar, l'une des signataires-, tout en donnant quelques exemples pour illustrer leur texte : "C'est un député qui nous accueille par un sonore : 'ah, mais vous faites le tapin, vous attendez le client" ; ou encore "un élu dont les avances ne s'arrêteront qu'avec la menace d'une main courante pour harcèlement". Sans oublier ce parlementaire "qui déplore que nous portions un col roulé et pas un décolleté", ou ce conseiller ministériel qui demande, au retour des vacances, "si nous sommes bronzées vraiment partout".
"Les femmes politiques, cela leur arrive aussi".Invitée mardi matin d'Europe 1, Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Education nationale et anciennement ministre du droit des femmes, "a vu cette page. Le sexisme, aujourd'hui, existe dans tous les secteurs de la vie publique comme de la vie privée. Les caissières souffrent de sexisme, les journalistes souffrent de sexisme. Et les femmes politiques, cela leur arrive aussi", a-t-elle reconnu.