Ça ne rigole plus. Bon enfant et familiale à ses débuts l’opposition au "mariage pour tous" a peu à peu évolué pour se radicaliser. La décision annoncée la semaine dernière d’accélérer le rythme pour adopter le projet de loi dès le 23 avril a terminé le travail. Tant dans le verbe - "Hollande veut du sang, il en aura" - que dans les actions - 70 interpellations près de l'Assemblée lundi -, le mouvement, qui fraye de plus en plus avec l’extrême droite, ne recule désormais devant rien. Et cette radicalisation pose de vrais problèmes au gouvernement et à l’Elysée.
Un site pour huer les ministres. Si les opposants au mariage gay peuvent parfois être taxés de rétrogrades, ils n’en sont pas moins modernes dans leur forme d’action. Depuis la fin du mois de mars, ils ont ainsi mis en place via Internet un outil destiné à harceler les ministres. Sur un site (http://huonsnosministres.fr/), mais aussi sur les réseaux sociaux, (https://twitter.com/huonsles, https://www.facebook.com/huonsnosministres), chaque déplacement, aussi minime soit-il, d’un ministre est listé. "Ils veulent nos voix : ils auront nos huées !", proclame le mouvement.
Force est de reconnaître que la mobilisation est efficace. Christiane Taubira, à Lyon, et Najat Vallaud-Belkacem, à Rennes, ont ainsi essuyé une virulente bronca lors de leur déplacement.
Et chaque déplacement, à peine annoncé, est immédiatement relayé. Manuel Valls en a fait les frais dimanche soir. Même des ministres plus confidentiels, comme George Pau-Langevin (Réussite éducative) à Bourg-de-Péage ou Sylvia Pinel (Artisanat, en rouge sur la photo), à Bourg-en-Bresse, ont eu droit à leur comité d'accueil.
Des menaces. Les opposants au mariage gay vont aussi parfois beaucoup plus loin. Plusieurs ministres ont ainsi reçu des mails de menace et d’insulte. Dominique Bertinotti, en sa qualité de ministre déléguée à la Famille, est logiquement l’une des plus visée. Europe 1 a pu consulter certains de ces mails. "C’est facile devant les caméras, mais ramène-toi histoire de voir. La roue tourne", peut-on notamment y lire. Ou encore : "tu es malade, folle à lier, soumise à la Gestapo".
Des ministres et un président casaniers. Dans ce climat, rares sont les ministres qui osent encore sortir. Sous couvert d’anonymat, une ministre raconte qu’elle ne communique plus à l’avance ses déplacements. Par ailleurs, aucun déplacement n’est prévu à l’agenda cette semaine pour les membres du gouvernement très exposés que sont Christiane Taubira, ministre de la Justice, ou Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement.
Il faut dire qu’en la matière, l’exemple vient d’en haut. Depuis dix jours, François Hollande n’a pas mis le nez dehors. La dernière sortie du chef de l’Etat remonte au 6 avril, et c’était sur ses terres en Corrèze. A son agenda, pas un déplacement en région n’est programmé dans les 15 prochains jours. Officiellement, il s’agit d’une "pause assumée", affirme pudiquement un conseiller, interrogé par Europe 1. Mais un autre est beaucoup plus clair : "il faut laisser retomber la pression", glisse-t-il.
Paralysie. Conséquence, les ministres sont de moins au moins audibles, même quand il s’agit d’évoquer les sujets économiques et sociaux qui préoccupent les Français. Du coup, certains ministres dont Manuel Valls prônent une reprise en main de l’agenda exécutif.