Exceptionnel, vous avez dit exceptionnel ? Le débat sur "le mariage pour tous" à l'Assemblée ? Un "véritable marathon législatif", des heures et des heures à débattre, même en pleine nuit, une opposition déterminée à jouer "l'obstruction parlementaire" avec ses 5.166 amendements et ses "rappels au règlement" dans l'Hémicycle. Sans oublier les innombrables "clashs", joutes verbales et autres dérapages. A quelques heures du vote solennel à l'Assemblée, Europe1.fr revient sur quelques affirmations lues ou entendues ces 15 derniers jours et pose une question : ce débat a t-il vraiment été exceptionnel ? Le journaliste Fernand Tavarès, qui suit les débats parlementaires depuis plus de 30 ans, relativise. Voici pourquoi.
Un débat-marathon ? Certes, les députés n'ont pas chômé :10 jours de débats, soit 110 heures de discussions, réparties sur 24 séances. Pour autant, si l'on se replonge dans les archives de l'Assemblée nationale, "le marathon législatif a connu bien pire !", sourit Fernand Tavarès. Le débat sur le "mariage pour tous" est en effet loin d'égaler le débat autour du projet de loi sur la presse. Flash-back. Entre le 15 décembre 1983 et le 13 février 1984, les députés avaient alors débattu pendant ... 166h50 le temps de 20 séances.
Déjà à l'époque, les joutes parlementaires s'enchaînaient :
De l'obstruction parlementaire ? C'est ce qu'a reproché la majorité à l'opposition, fustigeant les 5.166 amendements déposés par l'UMP. A raison de deux minutes passées en moyenne sur chacun, il est vrai que l'examen du texte s'en est trouvé forcément ralenti. Mais pour éviter de perdre trop de temps sur chaque amendement, le projet de loi aurait pu être étudié selon "le temps législatif programmé", tient d'abord à rappeler Fernand Tavarès. Grâce à cette procédure, la durée d'un débat est décidée en amont et ne peut dépasser 50 heures au maximum. Le président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone avait d'ailleurs plaidé en ce sens après un week-end de débats éreintants, les 3 et 4 février. Pour autant, "l'UMP n'a pas plus joué la carte de l'obstruction que d'habitude", affirme notre expert ès Parlement. Pour preuve : le projet de loi sur le "mariage pour tous" est le septième texte le plus amendé depuis 1958. Bien loin des 137.665 amendements déposés en septembre 2006 lors de l'examen du texte sur l'énergie. A l'époque, Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée, s'était pris en photo, encerclé par des murs de papiers, qui occupaient presque intégralement son bureau.
Des rappels au règlement incessants ? Pendant ces dix jours de débats, Hervé Mariton s'est fait connaître pour deux choses : ses fameux pulls colorés et… ses rappels au règlement. Prévu à l'article 58 du Règlement de l'Assemblée nationale (vous savez, le manuel violet brandi par le député UMP de la Drôme), le rappel au règlement permet aux députés de prendre la parole pendant deux minutes de "façon prioritaire" et de suspendre ainsi la discussion en cours. Pendant tout le débat à l'Assemblée, il y a eu 241 rappels au règlement et 54 suspensions de séance. Ce qui correspond à 14 heures de discussions sur les 110 au total. "C'est tout à fait dans la moyenne d'un débat parlementaire qui dure assez longtemps", tranche Fernand Tavarès. La droite comme la gauche se sont d'ailleurs toujours servies de cette arme parlementaire. "Cela fait partie du jeu à l'Assemblée. Ça permet à l'opposition de montrer son mécontentement de manière théâtrale. Ces rappels au règlement sont avant tout destinés à l'opinion publique", décrypte le journaliste parlementaire.
Jusqu'au bout de la nuit ? Les députés l'ont fait savoir via Twitter : ils étaient FA-TI-GUÉS de ces séances de nuits interminables dans l'Hémicycle. Pourtant, celles-ci n'ont "rien d'exceptionnel", rappelle Fernand Tavarès. "Elles étaient même nécessaires pour avancer l'examen du texte puisqu'une date-butoir avait été fixée au 12 février, jour du vote solennel à l'Assemblée". Travailler le samedi ou le dimanche au Palais-Bourbon n'est pas non plus "hors norme". La double peine samedi et dimanche est en revanche beaucoup plus rare. La preuve. Cela faisait neuf ans que les élus n'avaient pas siégé tout un week-end. C'était les 10-11 juillet 2004, lors de l'examen du projet de loi d'Assurance-maladie.