En théorie, le Conseil constitutionnel a jusqu’au 27 novembre pour rendre son avis sur la validité de l’élection législative dans la très médiatisée 11e circonscription du Pas-de-Calais. En pratique, ce sera sans doute plus tôt. Mais dans les deux cas, Marine Le Pen n’a pas la patience d’attendre. Pariant sur une annulation de la victoire étriquée du socialiste Philippe Kemel, la présidente du FN a réendossé ses habits de candidate.
Mardi, Marine Le Pen a donc mené une très médiatique opération de tractage sur le marché d’Hénin-Beaumont, son fief depuis 2007. "Je suis en campagne permanente!", a lancé la présidente du parti d'extrême droite, qui avait pourtant délaissé sa chère circonscription jusqu’à récemment. C’est que la présidente du FN croit fort en ses chances de faire son entrée à l’Assemblée nationale dans quelques mois. Voici pourquoi.
Une élection serrée et contestée. Philippe Kemel, qui a réussi à l’emporter malgré la présence de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen, a recueilli le 17 juin dernier 26.812 voix contre 26.694 à la présidente du FN. Soit une avance dérisoire de 118 voix. S’il constatait des irrégularités, même en faible nombre, le Conseil constitutionnel pourrait être davantage tenté d’invalider que dans une circonscription où la victoire a été beaucoup plus large.
Le Front national dénonce notamment une soixantaine de signatures qui auraient changé entre le premier et le second tour. "Dans la ville de Carvin dont M. Kemel est maire, où les signatures sont différentes du premier au deuxième tour, certains ont même signé avec des croix sur certaines listes d'émargement puis il y a eu des manoeuvres d'intimidations sur le marché de Méricourt avec l'aide du maire", a accusé Marine Le Pen face aux caméras.
Le député socialiste affiche lui sa grande sérénité. "On a répondu à 100% des interrogations", assure Philippe Kemel à Europe1.fr. "Par exemple, une personne avait mis une croix au second tour et avait signé au premier parce qu’entretemps, elle s’est cassée le poignet", précise-t-il. "Normalement, tout cela devrait faire que je puisse continuer sereinement mon travail de député", veut croire l’élu.
LE FN pointe déjà le bilan de Hollande. Marine Le Pen compte bien surfer sur la vague de mécontentement que soulèvent les premiers mois du mandat de François Hollande. "On va avoir le tournis avec les tâtonnements de ce gouvernement", a-t-elle raillé mardi sur le marché d’Hénin-Beaumont.
Et la présidente du FN a décidé de cibler précisément Philippe Kemel, sur qui elle concentre ses attaques. "En votant avec 476 autres députés pour le nouveau Traité européen, Philippe Kemel, votre représentant à l'Assemblée nationale (...) a donné son accord (...) à l'instauration d'une austérité perpétuelle", pouvait-on notamment lire, sous le titre "Kemel vous a trahis", pouvait-on lire sur le tract qu’elle a ostensiblement distribué.
Là encore, Philippe Kemel oppose sa sérénité à cette anticipation électorale de Marine Le Pen. "Elle est venue dans la circonscription ces trois derniers jours, mais auparavant elle n’y était pas", assure-t-il. "Donc sur le dernier mois, elle n’est pas venue 27 jours sur 30", feint de calculer le député PS.
L'inconnue du faux tract. Dans la double hypothèse où l’élection de Philippe Kemel était invalidée et que Marine Le Pen remportait la législative partielle organisée dans le délai imparti de trois mois, la présidente du FN ne serait pas sûre de rester longtemps dans l’hémicycle. Car pèse sur sa tête la menace d’une condamnation judiciaire suite à la diffusion par ses militants pendant la campagne d’un faux tract de son adversaire Jean-Luc Mélenchon. "Il n’y a pas d’avenir pour la France sans les Arabes et les Berbères du Maghreb", faisait dire le prospectus au leader du Front de Gauche.
Ce tract, Marine Le Pen l’a toujours assumé, voire revendiqué. "C’est un coup de pub, une idée créative que j’ai trouvé extrêmement intéressante de militants du Front national, qui ont reçu mon accord pour le diffuser", se félicitait-elle encore dimanche sur Canal Plus.
Mais pour Jean-Luc Mélenchon, il s’agit d’une manoeuvre frauduleuse en infraction avec le Code électoral. Le président du Front de gauche a donc porté plainte. L’audience est prévue pour le 28 mars 2012. Il semble toutefois peu probable que Marine Le Pen soit frappée d’inéligibilité.
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