Comment expliquer la percée du FN dans les sondages ? Éléments de réponse.
Invité lundi sur Europe 1, le politologue Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême droite est revenu sur la montée du Front national dans les sondages. Selon une étude Harris Interactive publiée samedi dans Le Parisien, Marine Le Pen arriverait en tête du premier tour de l’élection présidentielle, avec 23 % d’intentions de votes.
Faut-il vraiment voir ce résultat comme une alerte lorsqu’on est responsable d’un parti comme l’UMP ou le PS ?
Incontestablement, et même au sein de l’UMP, des voix se sont élevées pour dire que c’était préoccupant. Il faut voir ce sondage comme une preuve supplémentaire que Marine Le Pen s’installe dans la vie politique française. Sans doute, une partie de l’électorat qui était rétif au vote pour le Front national du temps de Jean-Marie Le Pen se sent désormais capable de voter pour cette formation, dès lors qu’elle est présidée par sa fille.
Peut-onparler d’une erreur stratégique de Nicolas Sarkozy, qui ouvre désormais les vannes pour le Front national ?
Sans doute Nicolas Sarkozy avait été élu en 2007 au moins autant sur les questions du pouvoir d’achat, de la République irréprochable, de la méritocratie que sur celle de l’identité nationale et de l’immigration. Il a choisi de favoriser les deux derniers thèmes en laissant de côté les premiers. Je pense que c’est une erreur stratégique qui profite toujours au Front national, qui a l’antériorité sur ces questions-là et dont les propositions vont inévitablement plus loin que celles de la droite qui reste dans les principes républicains.
Que pensez-vous de l’argument selon lequel Marine Le Pen est "moins pire que son père" ?
La question n’est pas de savoir si elle est moins pire que son père mais savoir ce que donnerait le programme du Front national s’il était mis en application. Pendant toute la campagne interne pour la présidence du Front national, entre le 15 septembre 2010 et le 15 janvier 2011, Marine Le Pen a été surexposée médiatiquement par des commentateurs qui la décrivaient souvent comme moins pire, plus moderne, plus acceptable, voire plus modérée.
Ce n’est pas le cas ?
Les idées sont exactement les mêmes. C’est la façon de les présenter qui change.
Pensez-vous que ce sondage peut provoquer un sursaut dans l’électorat de Nicolas Sarkozy ?
Il va d’abord falloir voir si les résultats du sondage sont identiques quand on regarde la multiplicité des candidatures possibles, et notamment celle de François Hollande et de Dominique Strauss-Kahn. Si les résultats sont à peu près identiques, incontestablement, à l’intérieur de l’UMP, il va y avoir un certain nombre de personnes qui vont avoir peur de la perspective de Marine Le Pen au second tour. Mais ce n’est pas écrit. La réédition du 21 avril 2002 n’est pas quelques chose qu’on pourrait tenir pour certain aujourd’hui.