Véritable "plan Marshall" ou simple état des lieux de la situation à Marseille ? Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, réunira jeudi à 17 heures douze ministres à Matignon pour tenter d'élaborer un programme d'action destiné à enrayer la violence qui règne à Marseille. Lors de ce comité interministériel, le gouvernement n'entend pas aborder le sujet sur le seul angle de la sécurité mais prendre en compte tous les paramètres, de la prévention au traitement social ou au logement.
Jean-Marc Ayrault a assuré la semaine dernière que cette réunion était le fruit du travail engagé depuis le mois de juillet. Mais les récents règlements de comptes -20 morts depuis le début de l'année dans la région- l'ont décidé à accélérer le tempo. Le Premier ministre a invoqué la nécessité de "montrer la détermination du gouvernement à ne pas laisser les choses dériver" dans cette ville. Et ce alors que les élus locaux réclament des mesures concrètes.
"Pas d'effets d'annonces"
La ministre déléguée à la Précarité, Marie-Arlette Carlotti, explique, dans le quotidien Metro, qu'il s'agit simplement pour le moment de faire un "état des lieux". Ce comité "n'est pas un plan Marshall pour Marseille. Il n'y aura pas d'effets d'annonces intempestives, mais des dispositions seront prises et il y aura un suivi continu de la ville", a ajouté cette élue de la cité phocéenne.
Dans ce dossier, le gouvernement marche en fait sur des œufs malgré le volontarisme affiché de Manuel Valls d'endiguer la criminalité. La mort d'un homme de 25 ans en milieu de semaine dernière, criblé de balles de kalachnikov dans les quartiers Nord, a déclenché de nombreuses réactions dans les milieux politiques. La sénatrice-maire PS des 15e et 16e arrondissements de la ville, Samia Ghali, a plaidé de son côté pour une intervention de l'armée des les quartiers nord de la ville. Ce à quoi, l'exécutif avait opposé une fin de non recevoir.
Vif échange Gaudin-Valls
Et depuis quelques semaines, le torchon brûle entre le gouvernement socialiste et le principal magistrat de la ville. Froissé de ne pas avoir été consulté, Jean-Claude Gaudin, le maire UMP de la ville, avait réclamé au ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, de classer toute la ville en zone de sécurité prioritaire (ZSP) et pas seulement les arrondissements des quartiers nord, à gouvernance socialiste.
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Après un vif échange entre les deux hommes ce week-end, l'heure est semble-t-il à l'apaisement, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, et Manuel Valls ayant appelé Jean-Claude Gaudin en ce début de semaine pour connaître ses attentes. Un geste "très démocratique et très républicain", a assuré le président du groupe UMP du Sénat, mercredi sur Europe 1.
"Des petits voyous qui se tuent entre eux" :
Gaudin : "des voyous qui se tuent entre eux"par Europe1frSur le fond du dossier, Jean-Claude Gaudin a réaffirmé que la sécurité "des personnes et des biens" est "régalienne" et qu'il incombe donc à l'Etat et "à la police" de la mettre correctement en œuvre.
Pour autant, le sénateur de Marseille a voulu dédramatiser la situation. "Nous sommes dans la 2e ville de France avec environ 860.000 habitants. Vous pouvez venir quand vous voulez : tout le monde travaille, tout le monde se détend le week-end. Les choses se passent bien (…) Ce sont des voyous qui se tuent entre eux. La population observe ça. Nous le déplorons mais pour autant, nous ne prenons pas le deuil", a martelé Jean-Claude Gaudin.
Les syndicats veulent plus de moyens
De son côté, le syndicat Unité SGP police, première organisation pour la police en tenue, insiste sur le fait que Marseille "n'est pas une zone de non-droit ni un Fort Chabrol permanent". Dans une analyse publiée avant la réunion de jeudi, il souligne que la montée de la violence dans la cité phocéenne est surtout liée au trafic de stupéfiants. Concernant la délinquance globale, Unité SGP police rappelle que les atteintes aux personnes ont progressé de 6,60 % en 2011 dans les Bouches-du-Rhône, et de 5,22 % sur Marseille. Mais que les sept premiers mois de l'année 2012 affichent un recul de 1,75 % sur le département et 2,22 % sur Marseille.
Le syndicat soulève également la question des effectifs. Les policiers actifs seraient passés en mai dernier de 3.643 agents à 3.610 agents, soit un déficit de 33 policiers essentiellement constaté sur Marseille. Le syndicat souhaite que 300 officiers supplémentaires soient affectés dans le département, dont 100 uniquement dédiés aux quartiers placés en ZSP.