Ils se sont aimés, ils se sont déchirés, puis ils se sont retrouvés. Bayrou/Borloo, Borloo/Bayrou, c’est un peu "Les feux de l’amour" à la sauce centriste. Leur mariage, mardi, va-t-il relancer un centre à bout de souffle ?
Qu'es-ce qui peut bien amener aujourd'hui à s'engager pour le centre ? Europe1.fr a posé la question à trois étudiants :
>> NICOLAS, 20 ANS
Nicolas Rabrenovic, 20 ans, est étudiant en deuxième année de Master à la Web School Factory, et aussi co-fondateur d’une agence numérique . Fils d’un père d’une sensibilité de droite et d’une mère de sensibilité de gauche, c’est tout naturellement que ce Franco-serbe se tourne, très jeune, vers…le centre. "J’ai d’abord fait ça un peu par curiosité, puis je me suis pris au jeu", explique-t-il. Il s'y est tellement pris qu’il va prendre sa carte "dès que le mariage sera officialisé".
>> MAIS POURQUOI LE MODEM ?
Le virus de la politique n’a pas d’âge. Quand François Bayrou, au lendemain de l’élection présidentielle de 2007, fonde le MoDem, Nicolas Rabrenovic, alors âgé de 14 ans, y voit alors "une alternative intéressante". "La droite de Sarkozy et la gauche de Royal, ce n’était vraiment pas mon truc", se souvient-il, tout en rejetant l’idée d’un choix par défaut. "François Bayrou avait un discours différent, notamment par rapport à la dette. C’est le premier à avoir tiré le signal d’alerte", assure celui qui a bien conscience de "ne pas être un expert pour autant des programmes politiques." Le leader du centre indépendant, il l’apprécie aussi parce qu’il est "un homme politique plus sage que ses confrères. Lui ne tombe pas systématiquement dans les polémiques politiciennes.
>> ET BORLOO ALORS ?
Le rapprochement entre les deux figures du centre a achevé de convaincre notre étudiant de s’engager plus activement et de prendre sa carte, pour la première fois. "C’est une très bonne nouvelle ! Je vais la prendre", promet-il. L’isolement de François Bayrou était devenu un souci pour lui car "seul, le MoDem ne peut pas aller très loin. Donc si on veut être une alternative crédible, il fallait que le centre parvienne enfin à unir ses forces pour peser. On en verra les premiers fruits aux européennes", espère-t-il déjà. Le glissement annoncé de cette nouvelle entité vers le centre droit n’offusque pas Nicolas Rabrenovic. " Pas question pour autant de devenir un parti affilié à l’UMP car "il y a là bas une frange qui se tourne vers le FN et ça, c’est problématique pour moi."
>> JIMMY CHAMMAS, 23 ANS
Jimmy Chammas, 23 ans, étudiant en médecine originaire de Meurthe-et-Moselle, avait adhéré au Modem en 2011 et n'avait pas renouvelé jusqu'ici, "peut-être à cause du caractère cyclique de la popularité du centre qui semble renaître en période pré-électorale puis qui retombe dans l'oubli et l'indifférence générale entre deux échéances", explique-t-il. Mais cette fois, il va revenir, "dès lors qu'un chef naturel émergera."
>> MAIS POURQUOI LE MODEM ?
Pour notre futur médecin, "les bonnes idées ne sont pas le monopole d'un parti et le clivage gauche/droite n'a pas lieu d'exister. J'ai cru retrouver dans le MoDem une synthèse de cette conception, avec une certaine limite." La "limite" tient avant tout à la personnalité de François Bayrou qui, selon lui, "n’a pas su capitaliser sur son ralliement auprès de Hollande au deuxième tour". La défaite de ce dernier dans son fief béarnais, lors des législatives de juin 2012, a encore un peu plus troublé Jimmy Chammas. La création de l’UDI a renforcé son scepticisme : "je n'ai alors pas trop su vers quel parti m'orienter", confie-t-il.
>> ET BORLOO ALORS ?
Le mariage entre les deux figures du centre a rassuré Jimmy Chammas car "si François Bayrou fait preuve d'un certain humanisme, j'ai peur qu'il ne manque de charisme". Ce dont serait davantage pourvu Jean-Louis Borloo, selon lui : "ce rapprochement laisse la porte ouverte à la désignation d'un leader plus à même de rassembler les troupes. Est-ce que Borloo pourrait être ce leader ? Pourquoi pas ! Un ancien avocat à la tête de l'Etat, ça s'est déjà vu...", imagine-t-il déjà. Mais si cet ancien électeur de Bayrou se verrait bien glisser un bulletin Borloo en 2017, les égos des deux hommes sont une source d’inquiétude pour lui : "j'ai peur que l'on reparte dans une querelle des chefs"
>> COLETTE, 26 ANS
Colette Bastié, 26 ans, thésarde en biologie à Tours (Indre-et-Loire), est issue d’une famille de centristes et vit . Sympathisante du MoDem depuis cinq ans, elle a décidé de franchir le pas et d’adhérer au mouvement de François Bayrou, mais "dans les prochains mois, pour des raisons financières".
>> POURQUOI LE MODEM ?
"Le clivage droite/gauche m’a toujours écœuré, et le MoDem est à contre-courant de cette tendance forte dans la politique française. C’est ce qui m’a séduit", lance-t-elle d’emblée. Le positionnement du parti orange n’est pas la seule explication à son attirance pour le centre. François Bayrou y est aussi pour quelque chose, car "je crois qu'il dit beaucoup de vérités que personne ne veut entendre et l'absence de langue de bois est une qualité en rare en politique." Pour l’heure, Colette Bastié ne se sent pas encore les épaules pour aller tracter pour son champion, "car il faut avoir des arguments politiques solides et être sûr de ses convictions pour convaincre." Son truc, pour le moment, c’est "le militantisme de réflexion."
>> ET BORLOO ALORS ?
Le mariage entre les deux leaders du centre n’a en rien joué sur la décision de Colette Bastié. "J’étais proche du MoDem avant ça", rappelle-t-elle. Le glissement du MoDem vers le centre droit est encore moins une explication à son futur engagement. Elle n’était d’ailleurs pas au courant. "S’il est avéré que cette nouvelle structure ne devient qu’un petit frère de l’UMP, alors ce sera sans moi, car la radicalisation de la droite ne me plait pas du tout." Elle, ce qui lui plait, c’est justement la possibilité "de pouvoir constituer une liste avec des personnalités de droite modérée et de gauche modérée." Le grand rêve de François Bayrou en somme. Mais notre étudiante garde le moral, et espère que ce dernier saura faire entendre ses intérêts.