L'e-rendez-vous. Cécile Duflot, ministre de l'Egalité des territoires, a remis mercredi le "label ville internet 2014". Le titre, déjà remis à un millier de communes, récompense depuis 1999 l'accessibilité à internet et la qualité des services publics numériques. Mais sur le sujet, les mairies semblent encore loin de répondre aux attentes de tous leurs administrés, notamment sur le WiFi gratuit, pour lequel il y a un manque criant de données.
"Moi maire, je mettrai le Wifi gratuit". Ainsi, sur le site participatif d'Europe1 "Moi maire", qui permet aux internautes de faire des propositions pour leur ville, le manque d'accès gratuit au WiFi est ressorti à plusieurs reprises. Et beaucoup de candidats officiels en ont fait un cheval de bataille. "Moi, maire de Marly, je mettrai à disposition des habitants des points d'accès WIFI gratuits dans différents lieux publics de la ville", écrit ainsi Jean-Noel Verfaillie.
"Moi, Fabrice Guyon, maire de Étrépilly, je mettrai en place le Wifi GRATUIT sur l'ensemble du village", propose encore ce candidat divers droite à la mairie de cette commune de Seine-et-Marne. "Moi, Laurent Hénart, maire de Nancy, je permettrai à chaque habitant de se connecter, gratuitement, à un réseau wifi", avance également le candidat UDI à la de Meurthe-et-Moselle. "Moi, Michel Havard, je mettrai en place du wifi gratuit sur l’ensemble du réseau du métro", promet de son côté le prétendant UMP à la mairie de Lyon.
>>Où en sont les communes françaises ? Est-si simple que ça de proposer un Wifi municipal en accès libre ? Quels sont les risques ? Enquête.
Le "Wifi municipal est ponctuel". Il existe peu de données sur le Wifi municipal. "C'est quasi-impossible de savoir le nombre de mairies qui offrent un service Wifi gratuit. Il faudrait avoir un Observatoire sur la question, mais il n'y en a pas", regrette l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (Avicca), contactée par Europe1.fr. L'Arcep, l'autorité de régulation des communications électroniques, également contactée, confirme ce manque de données sur la question.
En creusant, on constate tout de même que toutes les grandes villes de France fournissent un accès gratuit ou sont sur le point de le faire, au moins partiellement. "Cela peut se faire dans des espaces fermés dédiés, des espaces limités comme des parcs ou des places ou sur des voies entières. La Wifi gratuite s'étend dans toutes les collectivités. Des petites pastilles 'ici Wifi' signalent souvent les endroits où l'on peut se connecter", détaille Florence Durand Tornare, fondatrice du Label Ville internet. Généralement, le procédé est le même : l'internaute se connecte avec le réseau Wifi de la mairie, renseigne son numéro de téléphone puis reçoit un SMS avec le code d'accès.
"Mais là où les villes ne sont pas du tout présentes, c'est dans la continuité. Un étudiant parisien ou aixois qui quitte son campus n'a pas la garanti qu'il aura du wifi sur tout le chemin. Le Wifi municipal est ponctuel, partiel, et couvre rarement tout l'espace public", constate Florence Durand Tornare.
Les opérateurs français "bloquent". Et si ce Wifi municipal reste "ponctuel", c'est que de nombreuses communes ont du mal à étendre leur service. Pour cela, il faut comprendre comment cela fonctionne. D'une part, il y a les communes, les plus petites notamment, qui se servent du réseau des opérateurs privés français, type Orange ou SFR. Il leur suffit alors de louer un abonnement "spécial collectivité locale", de placer une "box" quelque part dans la commune, et de laisser les administrés se connecter. Mais, à moins de payer plus cher l'opérateur, cela ne couvre qu'un très petit périmètre.
Beaucoup de communes, notamment les grandes villes, installent donc leurs propres antennes. La mairie les commandent, les achètent, puis les raccordent avec leurs propre réseaux de fibres optiques (qui sert pour les caméras par exemple). Le tout pour quelques milliers d'euros (30.000 euros à Bordeaux, pour 60 antennes, par exemple). Mais les maires doivent ensuite lancer un appel d'offre pour trouver l'opérateur qui connectera leurs infrastructures à internet. Le hic : "les Français ne sont pas souvent retenus", confie Florence Durand Tornare, du label "Villes internet".
À Bordeaux, à Nice, dans les bus et à la gare de Marseille ou dans quelques endroits du métro parisien, c'est par exemple l'espagnol Gowex qui est retenu. "Pour des raisons autant techniques que financières", reconnait-on à la mairie de Bordeaux. L'abonnement est effectivement peu cher : 12.000 euros par an dans la cité girondine par exemple. "Une goutte d'eau pour nos 460 millions de budget de dépenses", y explique-t-on.
Une concurrence mal perçue par les opérateurs tricolores. "Ce n'est pas très bien vu. Les opérateurs français investissent pour développer leur matériel et se voient concurrencer par des communes", explique-t-on chez l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (Avicca). Et cela a une conséquence directe dans la qualité du WiFi gratuit, car les opérateurs français ne se laissent pas faire. "Ils se répartissent la couverture internet du territoire. Et, pour bloquer cette concurrence, ils ne lui laissent que peu de place. C'est dur pour une marie d'installer ensuite des antennes partout et d'assurer un service continu", détaille Florence Durand Tornare.
Tous les citoyens n'en veulent pas. L'installation d'antennes municipales n'est pas n'ont plus du goût de tous les citoyens. Et pour cause : la multiplication des antennes, toutes municipales soient-elles, signifie aussi la multiplication des ondes. "Certains administrés y voient un risque sanitaire et se mobilisent. Du coup, les communes sont frileuses", confirme Florence Durand Tornare. "La problématique des ondes électromagnétique a même conduit des villes à fermer leurs réseaux", poursuit-on chez Avicca.
"Les deux seules villes qui ont eu le courage de démanteler leur réseau, ce sont Hérouville-Saint-Clair, dans le Calvados, et Courbevoie, dans les Hauts-de-Seine", assure pour sa part l'association Robin des Toits. "Pour les autres villes, soit elles manquent d'information, soit elles sont malades des politiques qui pensent que pour être moderne, il faut du WiFi partout", renchérit le Porte parole de l'association, Etienne Cendrier, contacté par Europe1.fr, citant notamment Paris, où la majorité socialiste actuelle veut "qu'on ne reste pas cinq minutes sans avoir du WiFi".
Porno, terrorisme… des villes peu vigilantes ? Et le casse-tête du WiFi municipal ne se résume pas à son aspect technique. Car il y aussi un casse-tête juridique, desquels les villes ne se sortent pas toujours. Pour pouvoir offrir du WiFi, une mairie doit remplir certaines obligations légales. D'identification et de conservation de données, d'abord, puisqu'elle doit assurer la traçabilité des utilisateurs du WiFi, pour pouvoir les communiquer aux autorités en cas d'enquête policière. D'information, ensuite, puisqu'elle doit renseigner les utilisateurs sur ce que l'on doit faire ou ne pas faire sur le web. Et de filtrage ensuite, puisqu'elle doit bloquer les sites interdits, comme les sites terroristes ou pornographiques pour les mineurs.
Or, les villes ne respectent pas toujours ces obligations. Dans plusieurs villes, elles les délèguent à l'opérateur (Gowex, par exemple), en raison de leurs difficultés techniques. Et le résultat n'est pas toujours au rendez-vous. Selon une étude de la société Olfeo, spécialisée dans le filtrage de contenu, qu'a pu consulter Europe1.fr, seules 31% des communes respectent entièrement leurs obligations d'identification et de conservation de données, 38% sont irréprochables dans l'information des internautes, et 60% seulement bloquent les sites de pornographie ou de drogues.